Cet après-midi, il fallait que je sorte marcher, faute de pouvoir courir. J'ai pris mon appareil photos et je suis parti au hasard, sans but précis, dans la direction du 6° arrondissement. Passant près de la Librairie du Métro, j'ai acheté Le Dormeur éveillé, de J-B. Pontalis et Noyau d'Olive, de Erri De Luca.
Particulièrement sensible à l'illustration de couverture de Pontalis, montrant un détail du Songe de Constantin, de Piero della Francesca (Arezzo, Chiesa San Francesco). Souvenir de l'été 81, à Perugia, mes 29 ans, mon plus bel été. La naissance de mon neveu aussi, un espoir d'approcher, par procuration, le mystère de la paternité, ou, à défaut, de l'onclitude. Rien.
Toujours étonné de constater que lorsque je ne vais pas bien, j'explose de colère contre n'importe quoi, n'importe qui et surtout contre moi, et que chaque fois il faut que j'achète des livres: cela me rassure, me calme. Cette fois-ci, lorsque je suis entré dans la librairie, je savais ce que je voulais, en tout cas les auteurs. Je les ai tous deux découverts ici, sur cet écran, et ils me sont maintenant presque familiers.
Il y avait du soleil cet après-midi sur Lyon. Rien que ça, en ce moment, me met les larmes aux yeux. J'ai visité la Chapelle Sainte-Croix, chapelle expiatoire dédiée aux martyrs lyonnais de 1793 (il faudra que je me renseigne un peu plus sur le sujet), je suis entré dans Saint-Pothin, sinistre et sombre: qu'attend-on pour la restaurer? Puis dans l'église du Saint-Nom de Jésus, au contraire rayonnante de lumière, où j'ai découvert le cloître et l'implantation d'un couvent dominicain.
A ceux qui s'étonnerait d'une telle bondieuserie, je réponds que ça n'en est pas une: je voulais photographier les effets de lumière des vitraux, fuir le plus grand nombre de mes semblables, et pour ça, les églises sont les lieux idéals; et puis voir quelqu'un prier ou se recueillir m'a toujours apaisé. J'envie cette confiance donnée.
J'ai bavardé longuement avec la dame de l'accueil de l'Agora Tête d'Or, une partie du couvent des dominicains consacrée à la littérature et à la peinture. Une femme belle, d'une soixantaine d'années, au visage en paix et au sourire maternel. Pour un peu, je l'aurais embrassée sur les deux joues. Il faut que je me méfie: dans les moments de cafard, je suis comme un homme ivre: brutal et confit de sentimentalité à la fois.
Ce soir, ma mère m'a laissé m'endormir quelques minutes dans un fauteuil de sa chambre. Ma fatigue est-elle si évidente? Et lorsqu'elle a voulu ensuite passer son bras sous le mien et poser sa main dans ma main, au lieu d'en être exaspéré, comme souvent, j'ai été envahi par l'émotion. Si j'ai besoin de ces gestes de tendresse, que dire d'elle, à la fin de sa vie, qui est parfois obligée, pour les obtenir, de se faire mendiante?
J'ai conscience que ce billet est totalement décousu. J'avais pensé ne rien écrire, proposer simplement quelques photos, mais je n'aurais pas été davantage capable de reprendre demain ni plus tard. Il faut que j'écrive, pour moi.
La douleur physique a disparu un moment, elle semble vouloir revenir. Je regarde en ce moment la couverture du livre de Pontalis: ce Songe de Constantin est sans doute un des tableaux de La Légende de la Vraie Croix, que je n'ai pas revu depuis 81. Della Francesca est un peintre qui m'imprègne totalement. Lui aussi m'apaise. Les visages de ses personnages sont pleins, chauds. On a envie de les embrasser, comme la dame de l'accueil tout à l'heure.
Je parle chaque année, à ma manière, de l'histoire de Constantin, le premier empereur chrétien, et de sa maman, celle qui devait, plus tard, devenir Sainte Hélène. Je la raconte à mes élèves de latin de troisième. Vous voulez savoir ce que je leur dis? Rendez-vous demain alors. A demain.
Un violent orage a tout à l'heure inondé Lyon. Ca aussi, ça m'apaise.
mercredi 9 avril 2008
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