jeudi 17 avril 2008

L'autoroute

Mardi, sur l'autoroute de Savoie, tout heureux de quitter la ville, de me sentir vraiment en vacances et non pas de vaquer dans ma tête de bords ténébreux à d'autres surexposés d'un enthousiasme excessif.

J'ai voulu, cette fois, analyser avec plus de précision ce que je ressentais dans ma voiture, dont c'était la première longue sortie. Et j'ai découvert que cela se passait toujours de la même façon.

D'abord le stress: je déteste partir,même si j'aime être parti. J'avais préparé ma valise la veille, tout fut donc vite réglé. Il n'empêche que, comme d'habitude, les premiers kilomètres furent ceux du stress: n'avais-je rien oublié? Saurai-je bien tenir cette nouvelle voiture? Arriverai-je suffisamment tôt pour profiter de la lumière un peu dans le jardin? Cet état dure en général la traversée de la plaine de l'est. Je vois défiler la banlieue laide, couverte d'immeubles-barres et de zones commerciales immondes, surchargées de panneaux publicitaires; puis, une fois dépassé Satolas, l'étendue plane des champs de colza à la nuance acide. Peu à peu cependant, je prenais conscience que j'étais réellement parti, que j'avais quitté Lyon et mon appartement, que j'étais ailleurs, même si cet ailleurs n'allait pas durer plus de deux ou trois jours.

Peu à peu aussi, la plaine se vallonne, se fend de creux et de collines boisées, le paysage se masque et se dévoile tour à tour. Et tout à coup, face à moi, les falaises de Saint Laurent du Pont: c'est là que j'entre vraiment dans l'ailleurs. Le stress a disparu. L'essentiel n'est plus derrière mais devant. Cela se produisait de la même façon chaque fois que je partais à Bons en Chablais avec Pierre. D'abord la plaine de l'Ain, où je me surprenais à être crispé sur le volant ou la pédale d'accélérateur: toujours le même désir d'aller au-delà tout en ne lâchant pas l'en-deçà. Puis le Cerdon et le plateau au-dessus de Bellegarde et de la Valserine. Et enfin, la première vision des grandes Alpes avec, parfois, le bonheur de découvrir le Mont Blanc.

Alors, mon corps n'était plus tendu. Il savait ce qui l'attendait: toucher la terre, la prendre dans ses mains, la malaxer, la laisser glisser entre ses doigts, la sentir, avoir envie de la goûter. Caresser cette terre, l'herbe, les fleurs. Ou plutôt non: c'étaient l'herbe, les fleurs, la terre qui me caressaient. Je quittais l'univers urbain où les caresses, souvent stéréotypées, n'apportaient qu'une jouissance éphémère et rapide, pour accéder à autre chose: à une caresse infinie, chaude et gratuite. A une caresse où le toucher s'allie à l'odorat, à la vue pour une jouissance complète: celle d'avoir, avec certitude, rejoint la douceur de l'enfance rêvée.

C'est encore cela que je ressentis mardi.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Ce maudit stress du départ, surtout pas nécessaire mais inévitable. Je le connais aussi, il se montre systématiquement que le départ soit en voiture, en train ou en avion.

Anonyme a dit…

Les caresses urbaines aussi sont gratuites... Blague à part, je comprends tout à fait cette sensation, celle d'avoir peur de partir, stress de départ comme dit Olivier, stress d'avoir oublié quelque chose (alors que l'essentiel, ben.. l'essentiel, c'est nous), et puis celle enfin de trouver une autre liberté, dans une sorte d'ailleurs. Il y'a tant de mondes en un...