J'ai retrouvé Lyon aujourd'hui. En tapant les messages précédents, je me suis aperçu que tous tournaient autour de mon nombril, que ce blog prenait en ce moment des allures de journal intime. J'ai envie ce soir de parler du dernier livre que j'ai lu, un essai d'un sociologue, Pierre Sansot, intitulé Les Gens de peu, et recommendé par Gilles, avec qui je cours régulièrement.
Après une sorte d'introduction qui me fit presque regretter d'avoir acheté cet ouvrage, tant le langage y était parfois à cent lieues du mien, l'auteur s'attache à l'univers des gens de peu, des gens ordinaires (sans que ces expressions revêtent un caractère méprisant, bien au contraire), tout au long d'une quinzaine de petits chapîtres axés chacun sur un des aspects de la vie de ces gens-là: le guérisseur, la ménagère, le bricoleur, les repas, le football, les boules, le camping, les bals, etc.
Bien sûr, la publication datant de 1991, certaines des notations seraient aujourd'hui à revoir, à affiner, à supprimer parfois. Il n'empêche que c'est un véritable plaisir de lire ces pages, certaines me rappelant de nombreux moments de mon enfance, enfouis dans ma mémoire ou même totalement oubliés, comme "le dépiotage des fleurs sucrées de l'acacia". L'analyse sociologique qui en est faite n'écrase jamais le propos, n'impose jamais un pesant jargon et laisse à chaque page transparaître l'émotion et la tendresse qu'éprouvent l'auteur pour ces gens-là.
J'ai aperçu l'autre jour en librairie un autre de ses essais: Poétique de la ville. Ce sera sans doute une de mes prochaines lectures.
Un extrait qui, bien sûr, me touche:
La parole, c'est d'abord une voix qui nous heurte avant d'être un message que nous décodons. Je me montre sensible, instinctivement, au débit, aux "infléchissements de contour intonatif", mais je serais (moi-même et peut-être des observateurs plus avisés) en peine de les rapporter à des structures stables qui, d'une manière indubitable, m'avertiraient de leur signification. Il n'est pas étonnant que la linguistique se soit davantage intéressée à une production écrite, souvent figée et de surcroît peu familière aux personnes modestes plutôt qu'à l'échange d'une parole vivante.
Ou cet autre, qui me rappelle de cuisants souvenirs:
La lessive n'était pas sans intérêt parce qu'elle libérait une agressivité (souvent contenue) et que le passage du sale au propre représente un événement, une métamorphose.(...). Les enfants, les adultes s'émerveillaient à la vue des draps dont la blancheur claquait au vent.
Ce dernier, pour le plaisir:
Une cuisine était avant tout une odeur(...). Il s'agissait, en fait, d'odeurs multiples que l'adulte conserverait plus tard dans sa mémoire affective: odeur du café que l'on moud le matin, du caramel qui roussit, de l'huile dans laquelle les frites grésillent, de la crème anglaise à laquelle on ajoute un peu (pas trop à cause des enfants) de rhum, d'un poisson qui exhale ses origines méditerranéennes ou océaniques, d'un bourguignon dont la sauce au vin prend tournure. L'enfant, attiré par l'odeur, sollicite la permisssion de terminer un fond de mousse au chocolat, de dérober un peu de crème, de racler la partie du caramel qui s'esr fixée sur le fond de la casserole.
vendredi 18 avril 2008
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