samedi 19 avril 2008
Le parc.
Je suis un rural qui ne peut se passer de la ville.
En analysant ce que je ressens chaque fois que je vais en Savoie, par exemple, dans la "vraie" nature, et ce que j'éprouve à Lyon en sillonnant le parc de la Tête d'Or, je crois que j'ai compris une ou deux choses sur moi.
Bien sûr, un parc urbain comme celui de la Tête d'Or permet de s'échapper quelques instants de l'architecture rigide de la ville, de ses alignements de rues et de trottoirs, de savourer un calme relatif, plus loin des démarrages bruyants ou des coups de freins intempestifs. Bien sûr, il permet de détendre son corps par le sport ou la "chasse". Mais pourquoi préférer ce semblant de nature, cet îlot encerclé, à la profondeur d'un bois, aux détours d'un long sentier de montagne ou aux vastes étendues fraîches des alpages?
En fait, lorsque je suis dans ce parc, c'est la ville, aperçue derrière les grands arbres et toujours présente, qui devient forêt. Les immeubles en sont les frondaisons, les bruits lointains la rumeur mystérieuse. Ainsi la ville, dans son immensité, se transforme pour moi en un espace impénétrable et dangereux, où chaque recoin est susceptible de cacher un péril. La nuit, l'obscurité du parc reflète de la même façon le scintillement des étoiles et les poussières d'or de l'éclarage urbain.
Etrange renversement des choses.
En revanche, lorsque je prends des photos, la sensation est tout autre. Je ne suis plus le chasseur ou le chassé, ni le Poucet trop pressé de se perdre. Je deviens celui qui réveille: la statue oubliée que personne ne regarde, parce qu'elle ne s'impose pas, parce qu'on l'a toujours vue là, parce qu'à force de saisons, elle en est devenue blanche, presque diaphane; l'eau du bassin, endormie sous ses nénuphars, seulement troublée parfois par deux canards qui barbotent, ou celle de la cascade, qui rebondit et éclate mais ne parvient pas à nous détourner de la contemplation; la chaise ou le banc, toujours vides, même si deux ou trois vieillards tendent d'y apprivoiser les derniers rayons d'un après-midi de printemps. Même le parc aux daims est pétrifié dans sa banale habitude.
Toutes ces vies différentes, le promeneur, le chasseur, l'éveilleur, la nature ne me permet de les vivre que si elle s'inserre dans la grande ville, l'une et l'autre jouant tour à tour le rôle de protectrice et d'initiatrice.
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