14 octobre. Cette date aurait dû me parler immédiatement ce matin, au réveil.
Rien: simplement la joie de préparer une bonne surprise à ma soeur pour son anniversaire. Je suis donc allé au marché tranquillement, où j'ai acheté une brassée de fleurs (littéralement: j'en avais plein les bras!) : des lys blancs et une branche d'orchidée pour moi, auxquels la fleuriste, que je connais bien, a rajouté un brin de mimosa, des tournesols pour ma mère, et un gros bouquet de roses bicolores pour ma soeur. Magnifique.
Ensuite direction Vieux Cimetière de la Guillotière: sur la tombe de Pierre, il y avait une nouvelle plante, un cyclamen. Quelqu'un avait pensé à lui. Mais qui? Qui que ce soit, j'étais heureux qu'on l'ait fait.
Je venais d'ouvrir ma porte quand mon portable a sonné: J., tout guilleret, qui m'a raconté sa soirée d'hier, et qui me téléphonait depuis un gymnase où son fils participait à une rencontre amicale de badminton (à laquelle d'ailleurs, ce même fils m'avait très gentiment convié, délicatesse qui m'avait touché.).
Tout pour le mieux donc. Je vais chercher ma mère et ma soeur en voiture, goûtant par avance la tête que cette dernière ferait en voyant la table dressée pour cinq couverts et toutes les fleurs qui l'attendaient. Et là, patatras: ma soeur me rappelle que le 14 octobre, c'était l'anniversaire de Pierre!
Comment ai-je pu ne pas y penser? Comment ai-je pu? Ainsi, le cyclamen sur sa tombe, c'était ça! J'ai cru qu'une chape de plomb me tombait dessus, en même temps que mon coeur descendait dans les profondeurs d'une cage d'ascenseur. J'étais arrêté à un feu. Je n'ai pas voulu montrer ma peine immense à ma soeur, je n'allais pas gâché son anniversaire. Quand j'ai redémarré, j'ai failli reprendre la direction du cimetière, mais pour faire quoi? C'était trop tard, j'avais oublié, un point, c'est tout. Je me sentais abominablement coupable: n'avoir eu en tête que du bonheur depuis le matin, alors que Pierre était là-bas, que j'avais récité le Notre Père devant sa tombe, que je lui avais parlé intérieurement et que pas un seul instant, je n'avais pensé à son anniversaire.
L'arrivée devant mon immeuble a fait diversion. J'ai aperçu mon frère et ma belle-soeur cachés derrière les jardinières de fleurs de la rue. Ils avaient une tête! Hilares, comme deux grands gamins. Et ma peine s'est envolée: j'ai pensé que nous étions vivants, heureux de la journée qui s'annonçait, contents de nous retrouver après toutes ces périodes de peines et de deuils. C'était un peu Noël en automne. La famille avait rétréci mais les liens s'étaient resserrés. Pierre aurait été le premier à applaudir à ce renouveau. Je suis sûr que là où il est, il a vu les doux moments que nous avons passé autour de la table (il aurait apprécié le lapin au cidre et à la polenta), puis dans mes vieux fauteuils de salon, la sieste de ma mère sur le canapé, ma belle-soeur, ma soeur et moi à la vaisselle, mon frère devant la télé pour l'arrivée d'une course cycliste. Une vraie famille, quoi. Il aura fallu tous ces décès pour que j'y crois.
Je ne peux pas imaginer que Pierre ne soit pas heureux de me voir heureux. Oui, comme je l'ai écrit hier (pressentiment, tentative de la mémoire pour se frayer un passage jusqu'à la conscience?), Pierre était bien aujourd'hui dans mon coeur et avec nous, là, dans l'invisible.
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