dimanche 14 octobre 2007

Abécédaire (I)

Impressionniste: un petit prof de fac prétentieux avait cru m'insulter en me lançant, ce mot à la tête. J'avais effectivement été vexé à ce moment-là, mais si être impressionniste, c'est ne pas brider ses sensations, ses émotions, les vivre librement et consciemment, c'est tenter vaille que vaille de sauver la part d'enfance qui vit en nous, au plus profond, alors oui: je suis impressionniste.
Ne vous déplaise, Monsieur le Petit Professeur d'Université qui n'est jamais arrivé à la cheville de mes vieux Maîtres du lycée.
Icare: un de mes moments mythologiques préférés ( Ovide, Métamorphoses). En tout cas, le début et la fin.
Le début avec le meurtre de Perdrix par Dédale, fou de jalousie devant l'ingéniosité de son neveu. Mais Pallas veillait, intercepta sa chute depuis les remparts de la citadelle et le transforma en l'oiseau qui porte encore aujourd'hui son nom: la perdrix qui, se souvenant de son ancienne chute, ne vole jamais trop haut, et confie ses oeufs à l'épaisseur de haies.
La fin avec une autre chute: celle d'Icare, trop enivré par son vol pour obéir aux injonctions de son père qui lui conseillait de ne pas s'approcher du soleil. Mais quel bonheur d'être ivre ainsi.
Allez, Dédale, rentre en Grèce, continue ta petite vie sclérosée et veille simplement à ce que ces deux morts ne pèsent pas trop lourd sur ta conscience. Tu seras vieux, racorni, aigri, usé, eux jamais.
Ignace (de Loyola): ce que je sais (peu!) de ses Exercices Spirituels me donne l'envie d'aller creuser par là une fois la retraite venue.
Incas: dans cette même classe d'école primaire où j'ai découvert la force des mots, il y avait aux murs trois posters: l'un représentait le château d'Azay-le-Rideau,tout propret dans son cadre boisé; le deuxième la place de la Concorde la nuit, avec les traînées lumineuses marquant le passage des automobiles sur le bitume; le troisième le site inca de Machu Picchu, ses ruines accrochées à flanc de montagne, et c'est celui-ci qui me fascinait le plus.
J'avais neuf ans, et je m'étais promis de visiter un jour ces trois sites: Azay et Paris, c'est fait depuis longtemps, Machu Picchu toujours pas. Peut-être est-ce mieux ainsi: comme pour le Potomac, je garde intact mon image d'enfance, la seule après tout qui me tienne à coeur.
Ingres (Jean Auguste): loin d'être dans mes peintres préférés, mais un petit mot de son tableau Oedipe et le Sphinx (Musée du Louvre).
Oedipe est nu, debout devant la Sphinx (mais oui, c'était un monstre femelle!), une jambe repliée (pour masquer sa virilité?) appuyée sur un rocher. Il semble pensif et tend l'index de la main gauche en direction de son interlocutrice, comme pour lui dire: "Viens par ici, cocotte!". Elle, sans doute émoustillée par les avances d'un si bel homme, gonfle généreusement la poitrine sous le nez du héros, prête à l'offrir aux caresses de la main tendue. Mais tout au fond du tableau, un autre homme nu ( un, le, compagnon d'Oedipe?) n'a pas l'air d'accord du tout avec ce qui semble se préparer et manifeste vigoureusement son mécontentement.
Bien sûr, ces remarques ne correspondent en rien à la légende, mais est-ce ma faute à moi si les nus antiques du dictionnaire m'ont toujours fait fantasmer et si Ingres tend, lui, la verge pour se faire battre?

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