Lavande: j'en avais planté une sur la tombe de Pierre, en pleine terre. J'aime ce côté "jardin" que j'ai donné à l'endroit où il repose. Et ses yeux avaient à peu près cette couleur.
A la fin de l'été, elle était devenue énorme et s'était couverte de fleurs, au point de masquer presque son nom. Je l'ai taillée, puis j'ai oublié les épis dans le coffre de ma voiture.
Depuis, ils y sont encore et, lorsque je suis garé au soleil, ils embaument. Une autre façon de penser à lui.
Locomotive: bien sûr, il y a les Michelines de mon enfance, ces petites voitures jaunes et rouges où l'on avait réservé une place, au fond, pour les vélos.
Celles-là m'ont toujours paru hospitalières , destinées à aider les familles dans leur quête du bonheur dominical, à pêcher au bord de la rivière ou à pique-niquer à l'orée d'un grand bois de sapins.
Mais il y a aussi les autres, les "vraies", les monstrueuses, plus viriles, plus trapues, plus dangereuses, les reines du rail: les locomotives à vapeur.
Disparues aujourd'hui, elles ont alimenté certaines terreurs de mon enfance, quand, chez un grand-oncle, il fallait longer la voie ferrée sur plusieurs centaines de mètres pour accéder, par un raccourci, au jeu de boules où l'attendaient ces compagnons de l'après-midi.
On les entendait arriver de loin et, lorsqu'elles surgissaient, nimbées de leur panache de vapeur, on aurait dit un mufle de taureau furieux, fonçant pour vous étriper, un monstre mythologique, mi animal, mi machine que la raison et la pitié avaient abandonné et qui écrasait tout sur son passage.
Je serrais alors très fort la main de l'oncle et me plaquais le plus possible contre le mur des jardins, à l'opposé de la voie.
J'ai retrouvé cette même sensation de panique devant une force aveugle en lisant La Bête humaine, de Zola.
Loup: quelle beauté! quelle intelligence. Et puis j'aime les exclus.
Latium: la campagne du Latium, avec la douceur de ses lignes de crêtes et la silhouette unique de ses pins parasols, je l'ai vu peinte dans une cuisine, en contours sur les murs blancs, dans un grand appartement bourgeois proche de la basilique Saint-Clément et du Colysée, à Rome. Quelle étrange rencontre que celle que nous fîmes ce jour-là avec Pierre sur le Palatin!
C'était, je crois, la première fois que je venais dans la Ville Eternelle. Je voulais tout voir, tout visiter,tout comprendre. Ne trouvant pas la Maison de Livie, j'avise un drôle de couple de vieillards, non loin de nous, tous deux forts âgés et chenus, mais très dignes dans leur maintien autant que dans leurs manières.
L'homme tient à bout de bras un grand sac où la femme puise à l'aide d'une grande pince en bois (du genre de celles que l'on utilisait autrefois pour la lessive) des morceaux de belle viande qu'elle distribue à tous les chats de la colline, en les appelant tendrement par leurs noms: Titus, César, Popée....
Bien que les prenant pour deux gentils illuminés, je n'hésite pas à les questionner. Ils me donnent le renseignement attendu, mais semblent vouloir pousser un peu plus loin l'entretien. Finalement, ils nous accompagnent. Nous finissons la visite ensemble, avec ces guides pleins de gentillesse et de savoir.
Lui est romain, mais réside le plus souvent aux Etats-Unis, où il est professeur (de physique?) à l'Université de Berkeley. Elle, sa femme, est originaire d'Europe de l'Est , Roumanie ou Hongrie, je ne me souviens pas, et peint pour son plaisir. Comme doux-dingues, on peut faire mieux!
A la sortie du site, ils nous proposent de nous retrouver le soir-même, pour un petit tour à pied dans le périmètre du forum républicain. Nous acceptons volontiers et les raccompagnons en voiture jusqu'à la basilique Saint-Clément, où ils doivent assister à la messe de fin d'après-midi.
Avant de nous séparer, ils nous indiquent leur adresse, où nous nous retrouvons quelques heures plus tard. C'est là que j'ai découvert le magnifique dessin mural que cette femme avait exécuté sur les murs de sa cuisine.
Tout au long du périple qui nous conduisit ensuite au Colysée, à la Maison Dorée, au Forum Républicain (sans compter les Impériaux), au Capitole, à la Roche Tarpeienne, à la prison Mamertime, au Forum Boarium, aux temples dits de Vesta et de la Fortune Virile, à Sainte-Marie-in-Cosmédine, à l'Arc de Janus, tout au long de ces kilomètres à arpenter les rues de Rome, nous n'avons pas cessé de bavarder.
En vieux romains, ils nous ont appris un tas de choses, dont je me suis parfois servi dans mon enseignement, sur l'Antiquité mais aussi sur la Rome contemporaine et sur l'Italie de l'époque (débuts des années 70).
Nous avons découvert qu'ils avaient été les amis du couple Maritain, Jacques et Raïsa, et qu'ils avaient participé, quelques années auparavant, à leur quête spirituelle. Ils nous ont d'ailleurs fait cadeau d'un ouvrage de poèmes dédicacé par leurs soins sur lequel j'aimerais bien un jour remettre la main dans le fouillis des souvenirs qui peuplent mon appartement.
Nous dûmes, hélas, quitter ensuite Rome relativement rapidement, une panne de voiture nous ayant coûté à réparer le reste de nos économies.
jeudi 18 octobre 2007
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire