Fjord: un de mes souvenirs les plus cuisants.
Au cours d'un voyage en Campanie, nous avions décidé, Pierre et moi, de nous embarquer pour l'île de Capri, renommée à l'époque (années 70) pour sa fréquentation homo.
Aussitôt dit, aussitôt fait, et tout de suite arnaqués: nous avons pris un taxi pour, en principe, faire le tour de l'île. En réalité court trajet que nous aurions aussi bien pu effectuer en autobus pour un prix dix ou vingt fois moins élevé.
L'après-midi, attablés à une terrasse de la piazzetta, devant un caffè dont la quantité était inversement proportionnel au coût, nous remarquons, à une table voisine, deux beaux jeunes hommes blonds, des suédois sans doute, dont nous ne comprenions pas la langue. Alors, sans gêne, Pierre et moi comparons les deux lascars, imaginons leurs goûts, présupposons leurs performances, supputons leurs mensurations, toutes remarques peu subtiles, je l'avoue, mais que nous pensions incomprises autour de nous. Bientôt les deux scandinaves s'en vont, sans même nous faire l'aumône d'un regard.
Le soir, après avoir eu bien du mal à trouver un hébergement dont le prix ne dépasse pas trop largement ce que nous pouvions y mettre, nous décidons d'aller explorer la Via Krupp, sentier sinueux descendant de la place à la mer et réputée pour sa fréquentation nocturne. Effectivement, devant les villas richissimes, à chaque ramification de la sente, des "couples" attendaient que les précédents aient fini et veuillent bien leur céder le petit coin d'obscurité derrière un buisson de bougainvillées ou de lauriers roses.
Plus bas, nous retrouvons nos amis du nord qui nous saluent d'un "bonsoir" presque sans accent.
L'horreur. Bien qu'effectivement suédois, ils avaient compris absolument tout ce que nous avions dit au café! Alors, pour détendre l'atmosphère et pour masquer notre gêne, je me mets à parler de n'importe quoi, et ne trouve rien de mieux que d'évoquer la beauté de la Suède ( je n'y avais jamais mis les pieds) et la pureté des eaux de ses fjords! Re-horreur: les fjords sont norvégiens, pas suédois!
Heureusement la soirée se finit dans la joie et le stupre, chacun avec son chacun, derrière les bougainvillées précédemment cités.
Ne pas finir sur Capri sans évoquer l'ascension en plein midi jusqu'au palais de Tibère, le chemin pentu bordé de propriétés dont les entrées de jardin embaumaient la menthe sauvage, (j'y rajoute un rafraîchissant murmure de ruisseau, mais ne suis pas sûr de l'authenticité de ce détail.), l'arrivée au sommet avec la découverte sublime des deux golfes en face: Naples et Sorrente réunis dans un même regard. Nous étions les seuls fous à avoir fait le trajet par cette grosse chaleur, mais quelle récompense: ce coin de paradis pour nous seuls, rien que tous les deux... et un vieux monsieur sans doute un peu libidineux qui nous proposa d'immortaliser l'instant en nous prenant en photo.
Fernandez (Dominique): cela s'impose après l'évocation précédente.
Lui, l'amoureux fou de l'Italie, l'un des premiers à avoir osé parler de son homosexualité.
Je n'ai pas lu tous ces ouvrages, je n'ai pas aimé tous ceux que j'ai lus, mais je me souviens encore de la description de la pâtisserie que déguste Porporino dans Les Mystères de Naples: j'en avais l'eau à la bouche. J'ai découvert grâce à lui l'univers des castrats, il est pour quelque chose dans mon goût pour l'opéra. Et puis, pour ne parler que de celui-ci: quel merveilleux roman que celui (dont j'ai oublié le titre. Quelque chose comme La Course à l'abîme.) qui raconte la Vie du Caravage, ce peintre amoureux des voyous (oui, le même que celui du cul du cheval de Saint Paul!). Merci, Monsieur Fernandez: vous êtes sublime quand vous n'érigez pas l'homosexualité comme un idéal.
jeudi 11 octobre 2007
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