J'ai toujours détesté les colonies de vacances. Heureusement, mes parents ne m'ont imposé ce supplice que deux fois dans ma vie, à Usson-en-Forez, aux confins de la Loire et de la Haute-Loire. J'avais à peine plus de dix ans mais déjà, je ne supportais pas la vie en communauté. Mes co-colons étaient pour la plupart des sortes de veaux contents d'eux-mêmes dont on devinait rapidement ce qu'ils allaient devenir une fois adultes. Hygiène douteuse due à l'âge et plaisanteries grasses de pré pubères. Je n'étais pas habitué à ça, moi qui avais vécu seul les années précédentes avec ma grand-mère, années pendant lesquelles je ne me suis jamais ennuyé à jouer avec trois cubes et un almanach Vermot à découper.
Je n'aimais pas non plus les moniteurs, ces soit-disant grands qui se prenaient pour de véritables kapos et refusais régulièrement de me plier à leurs ordres quand je les trouvais absurdes. Ce qui m'occasionna souvent quelques problèmes au début puis une relative indifférence, voire une sorte de respect, au fur et à mesure où le séjour se déroulait. Un jour, l'un d'entre eux à qui je n'avais pas voulu obéir pour me mettre en rang, avait, arrivé au dortoir, renversé par vengeance, mes draps et mon sommier. Il s'imaginait que j'allais le refaire! C'est lui qui s'y est collé quand il m'a vu couché par terre.
Il y avait aussi deux moments que j'abhorrais particulièrement: le lever, où l'on nous forçait à chanter une chanson débile qui commençait par "Hop! dès le matin, lève-toi, l'heure sonne. Hop! dès le matin, lève-toi gaiement!". Tu parles! S'ensuivait la toilette dans des locaux qui sentaient le moisi et les pieds, à se laver les dents au dentifrice Colgate tri-colore au-dessus de grands bacs en alu crasseux pendant que les mieux formés d'entre nous s'amusaient à parader en montrant leurs muscles de pacotille.
Le deuxième instant de haine profonde, je le vivais avant chaque repas. Rassemblement dans la cour, par équipe, toujours en chantant des paroles appropriées: "Un jambon de Mayence, v'là qu'ça commence déjà bien! Nous allons faire bombance! A ce festin, il ne manquera rien...". Et puis les hordes assiégeaient les tables et ceux qui, le matin, exposaient leur anatomie, se servaient copieusement des plats au détriment des autres!
Bien sûr, j'appréciais certains moments: les balades, par exemple, les longues marches où les costauds se plaignaient bien vite de leurs pieds alors que moi, je n'étais jamais rassasié de mettre un pas devant l'autre. Là aussi, il y avait une chanson, mais celle-là, je la chantais à tue-tête: " Va d'un bon pas, ne faiblis pas! La route est ta meilleure amie, mon gars...". Les veillées, surtout celles qui se passaient dehors, autour d'un feu de camp, à chanter encore: "Les Crapauds" ou "J'étais jadis un prince perfide et méchant..." ou "La vieille Diligence". Et surtout, le moment de retrouver mon lit et ma solitude. Tout le monde s'endormait vite. Moi, je rêvais d'ailleurs, les yeux grand ouverts...
mercredi 24 août 2011
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15 commentaires:
Moi qui n'ai jamais vécu ça, j'en tremble rien qu'à te lire.
Karagar: après cette période, j'ai connu des camps sous tentes organisés par un de mes professeurs du lycée (celui que j'ai appelé "mon maître" dans un billet récent) et j'ai adoré. Là, on ne nous prenait pas pour des débiles!
En ce qui me concerne, que des bons souvenirs. J'avais dix, puis onze ans, j'aimais bien, c'était plein de garçons... Et comme j'étais "costaud pour mon âge", j'avais au prétexte de jeux, de solides empoignades avec des petits couillus bagarreurs de mon espèces avides de contacts.
Très physique, tout ça et déjà très innocemment "antiphysique" comme on disait à la police des mœurs sous la III° République ...
Je ne suis jamais allé en colonie de vacances, mais j'ai fait un séjour en centre aéré. Ce n'est pas la même chose, il n'y a pas la même promiscuité ni une vie en commun aussi omnioprésente. Néanmoins, il y a des points communs. Je n'y avais aucun ami, comme à l'école d'ailleurs, car j'étais dans ma bulle. Néanmoins, personne ne m'emmerdait parmi les gamins, et c'est déjà ça. En revanche, la chose qui m'a frappé, c'était qu'on nous emmenait parfois au dernier étage d'un bâtiment dans lequel on nous demandait de danser : une horreur absolue puisque je n'y arrivais pas et que je me faisais engueuler par les moniteurs. C'est une des raisons pour lesquelles je déteste danser et qu'en fait que j'ai toujours refuser de danser depuis.
Je ris car je connais quelques petits mulots du même acabit.Raisonneur,frondeur,libre-penseur,la tête qui dépasse toujours bêtement,un truc qui passe pas
Tu n'es pas la première écoute les zoiseaux qui chantent hop dès le matin lève toi l'heure son neu !
Ah mais dis donc tu sors d'où cette chanson ? Je la chantais petite mais elle résonne plutôt joliment dans mon souvenir :o)
Le répertoire des chansons dépendait de la colo et surtout du fait qu'elle était ou non confessionnelle, voire de quelle obédience. Les chants de chez les " Francs-Ca"(communistes)n'étaient pas les mêmes que ceux des cathos, ,des protestants ou des juifs, (les musulmans n'avaient pas les leurs), ou chez les "laïcs".
Tiens c'était comme dans la " Guerre de Boutons", les "Velran" ont leur chants et les "Longeverne" les leurs.
Mais sans doute tout ça s'est-il uniformisé depuis...
Tu me fais sourire Calyste, très tendrement. Oui, Pépé le Moqueur, nous, nous rendions plutôt Grâce avant les repas ... mais pas au jambon de Mayenne. Et j'aimais bien cette prière parce que dans mon coeur, manger à ma faim, sans restriction, je trouvais ça plutôt bien. Calyste, tu écris "une haine profonde". Mais dis moi c'était vraiment de la haine ? Pas de l'exaspération, de l'ennui, de la colère ? Mon enfance est secouée de chagrins, de tristesse, d'injustices devant lesquelles je ne me suis jamais résignée. Je me suis rarement mise à genoux, mais de la haine, j'ai presque l'impression que je ne sais pas ce que c'est. Et cela m'interpelle sincèrement.
Je n'ai connu ni cantine ni colo ! Mes premières expériences de collectivité datent de mes 25 ans, stages de breton en internat complet. J'ai adoré, mais évidemment c'était pas le même régime, on ne marchait pas au pas, et on avait un peu passé l'âge de frimer avec ses biceps (encore que certains...). Mais je crois qu'enfant ou ado j'aurais absolument détesté la colo. Ça m'a toujours fait pensé à une sorte de préparation à l'armée ! Quand je voyais des colos passer devant chez nous pour aller aux bains-douches, en chantant et en rang par deux, accompagnés de moniteurs-trices hurlant, je me disais "oh les pauvres malheureux !" Il y avait de plus ici une sorte de colonie "pénitentiaire", les scouts marins, en uniforme bleu marine. Alors là c'était vraiment l'horreur intégrale.
Un film, même si la "colo" n'y est que le cadre d'une histoire plus complexe, rend très bien l'ambiance de ces lieux dans les années 60/70, c'est "La meilleure façon de marcher", (tiens justement une chanson de toutes les colos françaises toutes tendances confondues) de Claude Miller.
P.P: pour moi, incorrigible romantique à cet âge-là, tout restait platonique et mental. Je me suis rattrapé par la suite.
Cornus: et qui fait danser Fromfrom?
Ipsa: j'ai eu une réputation d'empêcheur de tourner en rond.
Valérie: tu la connais aussi? Dis donc, on ne doit pas être bien nombreux!
P.P: cette colonie dépendait de l'UFOVAL, donc totalement laïque.
Anna: je crois, oui, que c'en était, autant contre eux que contre moi-même. D'ailleurs, c'est là que, pour la seule et unique fois de ma vie, je me suis battu, et je peux assurer à PP que ça n'avait rien d'"antiphysique"!
La Plume: enfin une qui me comprend! :-)
P.P: j'ai, à l'époque, beaucoup aimé ce film, avec Depardieu et surtout Bouchitey.
C'est Karagar qui fait danser Fromfrom !
Cornus: QUOI! Mais c'est presque de l'inceste, ça! :-)
Rhhhooo calyste!!! c'est pas Depardieu!! c'est Patrick Dewaere!!et à mon humble avis c'est beaucoup mieux!!
Charlus: simple lapsus de ma part. Et bien sûr que c'est mieux!
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