lundi 26 novembre 2007

Cerisiers

Je n'ai pas parlé depuis longtemps de mon atelier écriture.
Les seize élèves de cinquième (douze ans) qui le composent sont toujours là et se sont pris au jeu. Les textes qu'ils produisent sont de plus en plus intéressants et de plus en plus longs, sans qu'il soit besoin de le leur demander.
En début de séance, ils sont tous assis autour d'une grande table à la bibliothèque du collège. La documentaliste et moi nous plaçons derrière eux, assis également. A tour de rôle, ils lisent à voix haute leur production de la semaine(sur des thèmes imposés). Les autres écoutent en silence, puis apportent leurs commentaires: "moi, j'aime quand...", "je n'ai pas compris le passage...", "il y a des répétitions...", "pourquoi tu finis comme ça?".... Jamais cela n'est fait de façon agressive ou moqueuse. La critique est constructive (ce qui n'empêche pas, de temps en temps de véritables fous-rires, devant la naïveté ou le double sens de certains passages.).
Puis ils s'isolent pour retravailler leur production, consulter des dictionnaires (alléluia: c'est même eux qui me les ont réclamés!), des encyclopédies et tout ce qui leur est nécessaire.
Ce que j'apprécie, c'est qu'ils sont toujours à l'heure, arrivant même parfois avant moi et s'installant seuls, c'est qu'ils osent dire leurs textes, eux les préadolescents devant d'autres préadolescents, c'est qu'ils s'écoutent et respectent la parole de l'autre (et ce n'était pas gagné d'emblée, si l'on considère leurs différences et le fossé qui les sépare parfois).
Bien sûr, l'intérêt de leurs écrits est très variable selon les individus: certains restent accrochés à leur pratique scolaire, à leur univers douillet où les petits chats perdus sont toujours retrouvés et où l'on a toujours une excellente amie dévouée et fidèle ( la petite fée marraine a tout de même disparu, rangée au grenier dans la malle des objets obsolètes).
Mais d'autres ont déjà lâché la barre et nagent en eau profonde, abordant (sans même le savoir, bien sûr) ce qui constitue ou va constituer leur être intime bientôt. Chez deux d'entre eux, j'ai cru repérer l'ébauche d'un style personnel (impression confirmée par la documentaliste).
Je croyais avoir de la peine à remplir cette heure sur toute la durée de l'année scolaire: en fait la matière, c'est eux qui l'apporte. Je me contente de guider, redresser parfois, mais jamais comme un professeur de français (et je suis assez content d'avoir pu à cette occasion jeter ce froc aux orties!).
D'ailleurs, pour l'instant, je ne lis jamais leurs textes: tout passe par l'oral et tant mieux: je ne pourrais pas ne pas accrocher sur leurs fautes d'orthographe par dizaines. Petit à petit, pourtant, j'oriente vers les corrections de phrases tordues ou l'emploi d'un vocabulaire plus précis ou plus "léger". Ils commencent eux-mêmes à en ressentir le besoin.
Aujourd'hui, par hasard, j'ai eu deux textes sur les cerisiers, l'un d'un garçon, l'autre d'une fille. J'ai immédiatement tendu un peu plus l'oreille, ne pouvant éviter le souvenir d'un tel texte lu chez Kawabata.
Le garçon évoquait l'arbre à travers les saisons, en faisant une description presque clinique, sans jamais noter une sensation personnelle. La fille, dans un texte plus onirique, parlait de l'arbre sous le vent, évoquant magnifiquement le tourbillon de ses pétales arrachés, parlant de ces fleurs qui " s'éteignent" (le mot est d'elle) au pied des épis de blé du champ voisin.
Nous avons écouté les deux, et après, il y a eu un moment de silence. Magnifique. Il y a des jours où l'on est content d'être prof!

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Tsss
Il faudrait savoir si tu es content d'avoir jeté ton froc de prof aux orties ou non.
M'enfin ! T'as vu comme tu termines ton texte !? Ce côté contradictoire est-il significatif d'une dichotomie de ta personne ?

Je trouves que tu abuses des parenthèses (qui sont toutes fermées, c'est joli).
Je sais que je ne sais pas (hummm) faire de critique positive. Pardon.

Voilà des jeunes qui vont avoir un beau souvenir de ces heures passées avec toi.

Bises, J.