Toussaint: c'est le jour ou jamais d'en parler.
Beaucoup, en France et ailleurs, confondent la Toussaint, fête de tous les saints le 1er novembre et le Jour des morts, le 2 novembre. Dans ma famille, on n'échappe pas à cette confusion et c'est comme tout le monde que nous fleurissons les tombes pour le 1er novembre.
Plus exactement, nous veillons à ce qu'elles soient déjà fleuries ce jour-là, et, pour éviter la foule, nous nous rendons au(x) cimetière(s) quelques jours auparavant (et quelques jours plus tard pour nettoyer les caveaux). Pour éviter la foule et aussi, comme nous sommes des sauvages de père en fils et de mère en filles, pour ne pas avoir à rencontrer telle ou telle ancienne connaissance dont notre chemin s'est depuis longtemps largement éloigné.
Habituellement, c'était mon père aidé de mon frère qui se chargeait de cette tâche. Moi, je n'ai jamais beaucoup aimé les cimetières, non parce que ce seraient des lieux morbides, mais parce qu'ils sont vides, ne me parlent pas, ou ne me parlaient pas jusqu'à la mort de Pierre.( A ce moment-là, et pendant plus d'un an, il m'est devenu indispensable de m'y rendre plusieurs fois par semaine.)
Cette année, mon père est mort et mon frère a entamé hier une série de chimios pour la récidive de son cancer. J'ai pris le relais, en achetant les chrysanthèmes et en allant dimanche dernier les placer sur les tombes. Et, autre changement par rapport au cérémonial habituel, nous sommes retournés aujourd'hui au cimetière.
J'ai vu tous ces gens qui arrivaient nombreux avec les bras chargés de pots, en groupes de quatre ou cinq la plupart du temps, auxquels s'adjoignait parfois un vieillard qui semblait penser que la fois prochaine, c'est lui qu'on viendrait fleurir, parlant haut, dévisageant ceux qu'ils croisaient ("Tu crois que c'est...., le fils de.... ? Regarde, des lyonnais: ça doit être les.....! Ils sont partis depuis combien de temps? Si c'est lui, comme il ressemble à son père..."), comparant la grosseur des plantes offertes, les comptabilisant sur les caveaux: "ça, c'est celle de Janette, et celle-ci celle de Fernand. Les Dubon ne sont pas encore passés: ils mettent toujours une bruyère...", échangeant des commentaires sur la décoration de la tombe d'à côté, apostrophant une famille amie (ou alliée) aperçue à l'autre bout de l'allée, s'étonnant que le cantonnier n'ait pas mis plus d'arrosoirs (des barils lessive en plastique) à disposition, trouvant que ce n'est pas un temps de Toussaint mais qu'on le payerait plus tard, en décembre, cherchant vainement la tombe de quelqu'un qu'ils ont connu autrefois ("Pour une fois qu'on vient ici, on n'a vraiment pas de chance!"), riant d'un rire sonore, tout contents d'être vivants et finalement en assez bonne santé. J'ai même été surpris, avec le beau temps, de ne pas en voir pique-niquer.
Et dans tout ça, la fête des Saints? la fête des Morts? Rien. On vient là pour se montrer, pour se donner bonne conscience facilement une fois par an, pour se réjouir d'être encore en vie alors que la liste s'allonge sur le marbre des voisins. Je suis injuste, sans doute, mais c'est l'impression que ça donne. Cet après-midi, j'ai vu prier une seule famille, entraînée par la mère, un groupe de gens simples venus eux pour se recueillir et honorer leurs morts.
Dans un mois, au plus tard, il ne restera de cette avalanche de fleurissement que des pots cassés renversés par le vent, des tiges séchées de ne jamais avoir été arrosées, des bouquets en plastique courant le long des allées au gré des bourrasques. Le cimetière aura retrouvé son calme, sali comme la place centrale d'un village après la foire aux bestiaux, mais dans les foyers on préparera déjà la prochaine réjouissance, plus attractive celle-ci: la débauche de Noël et des fêtes de fin d'année!
Humanité, je t'aime.
jeudi 1 novembre 2007
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