Hier, visite annuelle du Musée de la Civilisation gallo-romaine avec les sixièmes. Une des dernières sans doute de ma carrière. Et je crois que je ne le regrette pas. Outre l'usure personnelle (cela doit faire plus de vingt ans que j'arpente cette magnifique cathédrale de béton), je ne rencontre plus que rarement l'enthousiasme des élèves pour ce genre de découverte. Non qu'ils soient blasés, mais il leur manque tellement de données historiques et culturelles pour comprendre ce qu'ils ont devant les yeux que cela en devient parfois déprimant. Par exemple, hier, une des élèves a demandé, devant la maquette de Lugdunum, exposée non loin de l'entrée du musée, où se trouvait l'aéroport Saint-Exupéry, et, à bien y regarder, elle ne plaisantait pas.
Ce manque de repères chronologiques m'inquiète beaucoup chez les nouvelles générations. Comment peuvent-ils vivre sans avoir la plus petite idée de ce qui les a précédés et qui explique ce qu'ils sont et comment ils vivent? Je suis sans doute en train de devenir un vieux croûton mais je ne peux, personnellement, vivre uniquement dans le présent. L'absence de curiosité chez une grand majorité d'entre eux me sidère également. Certains pourtant, et heureusement, m'ont posé des questions qui prouvaient qu'ils comprenaient et avaient le désir d'en savoir plus. Mais qu'ils deviennent rares!
Alors, j'ai fait ce qui m'aurait paru impensable il y a seulement quelques années: j'ai écourté le circuit prévu en leur faisant emprunter le même chemin qu'à l'allée. Mention rapide, en passant devant, d'une pile de l'aqueduc du Gier et abandon de la visite des ruines des thermes, des tombeaux de Choulans et de la petite fontaine près des restes de l'ancienne église de Saint-Just décorée par un réemploi de stèle sacrificielle avec tête de taureau.
Le Musée lui-même m'a déçu. Je connaissais l'ancien conservateur (proche relation de l'une de mes amies). Il vient de s'en aller et la femme qui le remplace veut sans doute marquer son passage par des changements, pas toujours heureux, dans la présentation. Le trésor de Vaise, par exemple, paraît maintenant bien anodin dans la petite vitrine qui lui est consacrée. Et que sont devenus les vestiges de bronze de la statue féminine qui ornait le sanctuaire fédéral des trois Gaules, dédié au culte de Rome et d'Auguste, et dont les colonnes soutiennent aujourd'hui la croisée du transept de la Basilique Saint-Martin d'Ainay?
Allez, on va dire que je vieillis....
jeudi 31 mars 2011
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12 commentaires:
Je constate la même chose ici. Certes, notre histoire est moins longue mais les jeunes ont beaucoup de difficultés à s'imaginer une vie sans électricité, sans télé ou sans ordis. Un collègue qui accompagnait une groupe de cégépiens (=lycéens) au Vietnam cet hiver a été renversé de voir que dans les voyages en car, ils ne regardaient même pas dehors mais s'intéressaient à leurs achat de la veille et à leurs histoires d'ados. Personne n'a songé à laisser un cadeau de remrciment aux familles qui les hébergeaient. C'est la génération nombril... Mais on les aime quand même un peu.
Pour prendre la défense de la malheureuse c'était peutêtre juste pour s'orienter et donner un aspect plus réel a celle maquette en la situant dans l'environnement qu'elle connait... ou alors c'est qu'elle a vu "Troie" et qu'elle n'était pas en extase devant Brad au point de laisser passer un petit detail....
Zut de zut, mon long commentaire a été avalé par la machine. Je n'ai pas de courage de recommencer...
Magoua: nous, ils demandaient que l'on mette la télé dans le car! Oui, on les aime quand même un peu. heureusemet!
Piergil: sur ce coup, tu es angélique!
Cornus: et en deux mots?
Je disais (en plus argumenté) :
- que même si cela témoignait d'une époque, d'un style, je n'aimais pas l'architecture du musée ;
- que le musée que j'ai vu il y a quelques années me paraissait vieillot du point de vue muséographique même si je pense que l'architecture et la nature des pièces présentées ne permet pas de faire ce que l'on veut ;
- que j'étais d'accord avec Piergil par rapport à l'élève et l'aéroport (je dis ça, parce que j'ai un côté géographe qui a besoin de points de repères) ;
- que j'étais sidéré par les manques de connaissances en histoire d'un grand nombre de mes collègues de travail : à croire qu'ils se sont dépêchés d'oublier les bases qu'ils avaient apprises jusqu'au lycée.
C'est décourageant d'organiser des visites culturelles pour des élèves dont une bonne partie ne s'intéresse pas ou peu à ce qu'on leur montre. Mais pensons que certains ne remettront sans doute jamais les pieds dans un musée ou une exposition. Et dans le lot, il y a toujours un ou deux curieux qui rentrerons enchantés de leur visite.
Je reconnais que l'architecture du musée gallo-romain de Lyon est un peu austère et que les collections pourraient être mieux mises en valeur avec une présentation plus attrayante! Ne soyons pas conservateurs, même au musée! :-)
Cornus: merci d'avoir fait l'effort.
Zeus: sans doute est-ce aussi de ma part une baisse d'enthousiasme.
Oui syndrome de cette société. Quand j'étais étudiant, j'étais gardien de musée et j'étais entre autre dans le musée de Sens qui a une jolie collection Gallo Romaine. Une fois un homme (10 ans de plus que moi) m'avait demandé le plus sérieusement du monde au sujet des stèles funéraires : "comment ils font pour reproduire le visage des personnes sur les pierres, ils les prenaient en photo ?"
Et oui, et oui...
Nicolas: gardien de musée! Ça, je n'aurais jamais imaginé!
A tout prendre, ça a un côté amusant, ces mélanges des époques dans la tête des gens. Je dis bien des "gens" et pas des "jeunes" parce que je pense que tout le monde, par étourderie, est susceptible de faire ce style de b^tise fusionnant, par habitude paresseuse, le passé et le présent. Il y a dix ans, un élève de seconde qui avait fait un mémoire sur Mozart répétait bêtement à sa prof de français qui supervisait : "Quel dommage que je n'aie pas pu trouver de photos de lui pour les mettre avec le texte !". Elle était tellement estomaquée qu'elle n'avait pas osé lui mettre le nez dans sa bêtise... Mais on est toujours sur la frontière fragile entre le passé et le conditionnel : "A quoi AURAIENT RESSEMBLE ses photos ?" / "Où est-ce que ça SE SITUERAIT par rapport à l'aéroport?"
Tu es généreux avec les élèves, Lancelot. Moi, j'avais trouvé ça drôle mais passablement déprimant.
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