jeudi 3 mars 2011

Douze sols le cordon d'Angleterre

Extrait d'un petit ouvrage au format original (oui, celui-ci, je ne m'en suis pas débarassé!) retrouvé sur mes rayons et intitulé Almanach des hommes sans nom (Michel Clévenot et Horst Widmann, La Lettre, L'Harmattan, 1977):
Mars 1750.
Une Mme paris, femme âgée de cinquante ans, fille d'un professeur de Paris, qui a été putain dans sa jeunesse et maquerelle ensuite, comme bien d'autres, a raffiné sur ce métier. Elle a loué une grande maison rue de Bagneux, faubourg Saint-Germain, où elle a douze filles, depuis seize jusqu'à vingt ans, dont la plupart sont jolies, pour recevoir et amuser les honnêtes gens.
Cet établissement est d'autant plus singulier qu'il y a un portier, un cuisinier, quatre femmes de chambre pour les filles (On pense à Muni, dans Belle de jour. Réflexion personnelle.), des maîtres à écrire, de danse et de musique, pour leur donner une éducation et un chirurgien attitré pour venir les visiter tous les deux jours.
On donne douze livres pour s'amuser dans la journée avec un de ces demoiselles, et vingt-quatre, par tête d'homme, pour y souper. (On donne douze sols un cordon d'Angleterre à ceux qui craignent du mal.)
Le curé de Saint-Sulpice, instruit de cette retraite de plaisir dans sa paroisse, en a porté ses plaintes à M. Berryer, lieutenant général de police, qui lui a répondu que n'y ayant point de bruit ni de tapage dans cette maison, il n'y avait point à y trouver à redire; qu'il fallait en parler à M. le comte d'Argenson, secrétaire d'État de Paris. M. le Curé de Saint-Sulpice en a parlé à M. L'archevêque qui a voulu se plaindre d'un tel scandale dans Paris. On dit que M. le comte d'Argenson lui a répondu qu'il n'était pas bien informé, que rien n'était plus rangé que cette maison, qu'il n'y avait point de bruit: "Cela se passe de façon, monseigneur, lui a-t-il dit, que vous et moi pourrions y aller."


Un cordon d'Angleterre. On savait parler en ce temps, Messieurs!

3 commentaires:

kranzler a dit…

A Berlin, il y a des bordels à haut débit en illimité. Pour un prix affiché à l’extérieur de l’´Établissemnt le client a droit à autant de fois qu’il veut et les filles touchent la sécu. Sinon, j’avais une certaine sympathie pour les présidents de la République qui allaient aux putes, autrefois. Et je me découvre aujoud’hui conservateur, incapable de supporter les monarques rase-mottes qui les épousent

Calyste a dit…

Quand je pense qu'on a dit d'elle, au début, que c'était la "nouvelle Barbara". Il y en a qui ne doute vraiment de rien!

Lancelot a dit…

"Barbara" ! Je l'avais pas encore entendue, celle-là... Et pourquoi pas la Callas tant qu'on y est...

Sais-tu que, si les Français parlent de "capote anglaise" (ou "cordon d'Angleterre" si tu veux), les Anglais eux, disent "French letter" ? On se renvoie le latex par-dessus la manche !