Ce matin, mes élèves de troisième travaillaient sur un contrôle d'une heure. J'avais prévu d'autres copies à corriger mais je n'arrivais pas à fixer mon attention sur ce que j'avais à faire. Je les regardais, eux, lancés dans le portrait de Catilina, à huit heures du matin, alors que le soleil levant promettait une belle journée. J'avais envie de leur dire: "Levez la tête, regardez dehors, c'est magnifique !" Mais je ne voulais pas interrompre leur concentration. Ils étaient beaux ainsi, penchés sur leur tâche , le cerveau en marche derrière leurs mines d'enfants sages. Je voudrais savoir dessiner pour faire une esquisse de ces moments éphémères, mais je n'en ai pas le talent.
En les regardant, je pensais que la plupart avaient la vie devant eux mais qu'ils en terminaient sans doute un des plus beaux épisodes. Combien ensuite d'années de labeur pour tenter d'obtenir un diplôme, pour décrocher un travail, combien d'angoisses et d'incertitudes pour rencontrer l'homme ou la femme, les hommes ou les femmes, qu'ils aimeront, combien de pertes autour d'eux (car ils ne savent pas encore que leurs parents sont mortels), combien de virages, combien de hauts, combien de bas ? Combien de joies, surtout ?
Ce devenir, nul ne le connaît, et surtout pas eux. J'ai passé mon heure à ces pensées stupides. Et lorsqu'ils ont terminé, ils sont sortis de la classe, redevenus des enfants rieurs et bruyants, prêts à passer à autre chose, avec cette facilité propre à leur âge. La salle était illuminée de lumière. Aucun ne l'avait remarqué. Je me suis mis à sourire.
mercredi 23 novembre 2011
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10 commentaires:
Heureusement qu'ils ignorent tout cela. Il y a peu encore je me croyais immortel!!!
Charlus: Heureux homme !
Qu'est-ce que j'aurais voulu avoir un peu de ton apparente sérénité d'aujourd'hui, car ma journée n'a pas été simple
Cornus: c'est vrai que ce fut une journée relativement apaisée pour moi. Et toi, Fromfrom n'a pas réussi à te faire sourire?
Je parlais de ma journée, pas du soleil que je retrouve souvent en rentrant à la maison le soir venu.
Beau billet, très doux. C'est vrai que la suite est difficile, angoissante et excitante à la fois, mais je doute que le collège soit la meilleure période pour quiconque.
Cornus: une bise au soleil, alors, de ma part.
Kynseker: j'avais en tête plutôt la fin de l'enfance.
Moi, en troisième, j'étais pas insouciant, ni, allez, heureux, du tout.
Mais il est vrai que je n'ai jamais tenté d'écrire de portrait de Catalina, par une belle matinée ensoleillée, sous l'oeil doux de M'sieu Calyste.
Ceci dit, il m'arrive, en tant que prof, d'éprouver ce que tu éprouves, devant des élèves en devoir, mais en plus vague et diffus, je dirais. De brusques boufées de tendresse.
J'ai aimé.
Description précautionneuse d'un instant à enrober de douceur.
Réussite : le bruit des crayons est étouffé par la lumière, elle rampe, coule lorsqu'un plis agite la feuille, qu'un doigt la fait bruire; elle bombe le torse face à l'ombre, aspergé de jeunesse.
L'ombre, elle, reflue sous l'encre et la fibre végétale. Dans son coin, le sourire parle des heures, de la caverne plus vaste...En remuant elle fait un bruit de métacarpes. -Clac Clac-
Le stylo se lève.
La lumière sur la joue accroche une épaisseur d'or.
Le stylo claque. -Clac-
Ah je veux toujours trop en faire...
Lancelot: c'est excateme,nt cela: des bouffées de tendresse. Bises à toi.
Le Forban: merci, et bienvenue ici.
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