J'entendais tout à l'heure à la radio une émission consacrée à Jean-Philippe Blondel, un écrivain que je ne connais pas par ailleurs et qui parlait de la mort successive, à quelques mois d'écart, de sa mère et de son frère puis de son père dans des accidents de la route. Il disait que la fiction a des limites et que ce que certains êtres vivent dans leur vie réelle, transposé dans un roman, ne serait pas crédible. Il affirmait, d'autre part, que, devant le malheur, on se croit souvent transposé dans une fiction dont on serait le héros malheureux.
C'est exactement ce que j'ai ressenti à la mort de ma sœur à 11 ans alors que j'en avais 18. Ce n'est sans doute pas moi qui en ai le plus souffert, même si le choc fut rude. Mais mes parents, eux, ne s'en sont jamais vraiment remis, et la plupart des actes de mon autre sœur s'expliquent encore aujourd'hui par ce traumatisme de son enfance. Moi, j'ai quitté le giron familial l'année suivante pour venir faire les études à Lyon et j'ai pu, avec des hauts et des bas, me reconstruire plus facilement. Mais, à cette époque, je n'étais pas loin de penser inconsciemment que ce drame m'avait transformé en personnage intéressant, un de ces héros romantiques qui avait déjà une histoire douloureuse à porter malgré son jeune âge.
Aujourd'hui, je ne réagis plus de la même façon. Est-ce le vieillissement progressif, l'approche de sa propre mort qui change la perspective ? Sans doute. Plus rien de romanesque dans la disparition des êtres proches. Pas de peur non plus, mais une grande fatigue qui s'accentue à chaque départ.
lundi 14 novembre 2011
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8 commentaires:
J'ai eu aussi le sentiment face à la mort d'être dans un film où je jouerais mon propre rôle. Et gamin, en toute circonstance, je m'imaginais aussi dans un film permanent (un peu de la "télé-réalité bien avant l'heure).
Comme on dit la réalité dépasse la fiction, sauf qu'elle n'a pas sa mécanique, sa fluidité, et qu'il manque souvent à ses protagonistes la distance.
Mon petit frère avait 20 ans lorsque mon grand frère est mort et pour lui cela a été vécu de façon apparente bien plus détachée. Mais je soupçonne que cela a été très douloureux en voyant aujourd'hui sa difficulté à être heureux. Pour ma part je venais tout juste d'être violée et encore très traumatisée, je sais que cela m'avait achevée. Par contre je reconnais là (dans ton billet) ma propension romantique à vivre tout évènement comme extra ordinaire digne de figurer dans un roman :D
Et sinon j'ai lu le livre de Blondel que j'ai trouvé pas mal mais sans plus.
Cornus: peut-être la vie en est-elle un, sans happy end.
Nicolas: je n'en suis pas sûr, au moins pour la mécanique et la fluidité.
Valérie: alors, je ne le lirai pas. D'ailleurs, je n'en avais pas très envie.
Je me demande si ce n'est pas une manie que nous avons tous, quelque part, depuis, bien avant l'avènement du cinéma, puisqu'on peut assimilier ça à de la littérature.
Personnellement j'ai quelquefois honte, parce qu'il m'est arrivé de déplorer fugitivement que les vies des autres soient plus romancées/romantiques que la mienne ; il faut que je fasse de temps en temps un retour sur moi-même en me disant : "tu préfèrerais ressembler à un héros de roman en ayant des décès autour de toi dans la vraie vie ?" Cette pensée me donne le frisson à chaque fois.
Lancelot: voilà qu'il va se plaindre d'être heureux! ou, en tout cas, pas malheureux.
Heureux, ça va sans dire.
Et je ne m'en plains pas, puisque j'ai tout de même le bon sens de me tirer une (petite) gifle au moment où mon esprit bat la campagne.
Ce que tout le monde a l'occasion de faire, heureux ou malheureux, je pense.
Lancelot: oui, ou un coup de pied au cul. Je sais très bien me les donner quand ça s'impose!
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