Pierre est mort il y a six ans aujourd'hui. En 2005, il faisait, en cette fin juin, la même chaleur accablante que ces jours derniers. J'y ai pensé dans la journée mais je n'ai pas pensé qu'à cela. Je suis serein maintenant. Comme diraient ceux qui utilisent si mal la langue française, j'ai "fait" mon deuil.
Je déteste cette expression. On ne "fait" pas son deuil, on le souffre d'abord, terriblement, on le supporte ensuite, on finit par l'accepter si l'on ne veut pas sombrer. Mais si peu de choses sont de l'ordre du volontaire dans ce processus! J'ai même appris par hasard que les différentes phases par lesquelles on passe et où l'on se croit seul à passer sont en fait prévisibles comme lot de chacun qui vit ces moments-là. Cela m'avait profondément choqué et irrité au moment où je l'ai su. Ça aussi, je l'ai accepté, finalement.
L'intime, ce que l'on garde au fond de soi n'est pas là. Les lettres posthumes que j'avais écrites à Pierre en Creuse m'ont beaucoup aidé à remonter la pente à un moment où elle était particulièrement difficile à gravir. Je ne les relirai pas mais je crois que, si je le faisais aujourd'hui, je n'en changerais pas un mot. Maintenant, l'appartement a changé, c'est le mien, j'ai réussi à me débarrasser de beaucoup de choses qui n'étaient que poids mort inutile, j'ai rencontré d'autres gens. Je ne vis plus dans le passé, je ne lui tourne pas le dos. Simplement, je regarde ailleurs. Et je ne mettrai pas "Ténèbres" dans les tags sur cet article.
mardi 28 juin 2011
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7 commentaires:
J'ai tout comme toi horreur de cette expression.
Il faut choisir entre peine et tristesse. Quand j'ai eu à faire ce choix, j'ai vite évacué la peine pour ne garder que la tristesse qui s'est peu à peu transformée en souvenir d'une infinie tendresse!
L'emploi du mot "faire" dans ce cas me renvoi à un travail qui doit/devrait s'effectuer. Alors je ne le déteste pas vraiment. Pour moi, pourtant, c'est plus un chemin à parcourir, parfois accompagné, mais le plus souvent seul.
Je crois que je n'ai toujours pas parcouru tout le chemin pour mon père.
En écrivant, je m'aperçoi que c'est le mot "deuil" que je déteste.
C'est tellement devenu courant ce "faire" que je n'avais pas conscience que c'était incorrect.
Alors que je ne te lis pas depuis le début, mais depuis moins de deux ans, j'ai constaté une évolution très significative de ta part depuis un an environ, concomitamment avec le début des travaux dans ton appartement.
Bonne continuation dans cette voie vers plus de sérénité.
Valérie: si l'on montait le club des "anti faire"! Je crois que nous aurions vite de très nombreux adhérents!
Charlus: c'est exactement ce que je voulais dire! Pourtant, je n'emploierais pas le mot "choix". Pour ma part, c'est plutôt quelque chose qui s'est imposé à moi.
Erin: pour moi, "faire" implique une démarche volontaire et consciente, alors que ce n'est pas vraiment le cas, comme je l'ai répondu à Charlus.
Cornus: je n'ai, moi, pas assez de recul, pour te dire si tu as tort ou raison. j'espère, en tout cas, que tu es dans le vrai.
On "fait" aussi, tel ou tel endroit, pour les vacances. C'est dans ces expressions-là que je déteste ce verbe. "Faire la Sicile". J'en serais bien incapable ! L'arpenter, la sillonner, la visiter, la découvrir, oui. La faire ? Quelle prétention !
Tes lettres à Pierre, je les avais lues, et relues, et relues. Des moments d'émotion intenses, et beaux. Que je n'ai jamais oubliés. Merci encore pour cela.
Lancelot: oui, moi aussi, j'ai horreur de ce verbe pour les voyages. Il traduit bien une société de surconsommation que je déteste!
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