Je ne sais pas ce qui l'emporte chez moi, de la joie de voir les travaux de mon appartement parvenus bientôt à leur terme ou de la tristesse à envisager que je ne côtoierai plus Jean-Claude tous les jours ou presque, comme c'est le cas depuis plus d'un an. Je pense que cette cohabitation forcée va me manquer beaucoup.
En un an, nous avons eu le temps de prendre des habitudes: notre verre de Schweppes pris en commun en fin d'après-midi, avant que je ne file chez ma mère et allongé d'eau plate parce que c'est plus désaltérant, notre bonbon à la menthe après le repas de midi, notre long silence pendant que l'un et l'autre travaillons, moi à mon bureau, lui dans une des pièces adjacentes.
Jean-Claude n'est pas un bavard. Pourtant, on se sent bien avec lui. Il est d'une patience quasi angélique: on ne peut pas imaginer toutes les petites babioles qu'il a dû reprendre dans chaque pièce avant de se lancer dans le gros œuvre. Dernièrement, c'est le plafond du salon qui, après avoir été préparé, a décidé de se fendiller sous la première couche de peinture.
Moi, il y a bien longtemps que j'aurais terminé tout ça à la va vite en baissant les bras devant l'adversité. Pas lui: il râle un (petit) coup, recommence, gratte, mastique, ponce, repeint, et à la fin, c'est toujours parfait. Réellement, je l'admire. Quand j'étais au collège, il a passé des journées entières seul au milieu des gravats ou de la poussière. Le soir, il me faisait remarquer quelque imperfection, quelque détail sur un mur ou un plancher que, bien qu'habitant ici depuis vingt ans, je n'avais jamais remarqués. L'œil du pro, sans doute!
Et puis, ce qui ne gâche rien, il est drôle, d'un humour un peu semblable à celui que possédait mon père, où il faut réfléchir avant de comprendre l'astuce ou le jeu de mots. Parfois, j'entends, alors que je corrige mes copies, un petit couinement inattendu, qu'il lance pour se détendre sans doute. Cela ressemble étrangement à celui d'un chaton réclamant sa nourriture. Mais, même dans ces moments-là, il reste le plus souvent impassible et grave. Quelqu'un qui ne le connaîtrait pas pourrait être impressionné par son visage austère, mais les yeux souvent sont pleins de malice.
Quand je l'ai connu, il y a trente ans, avant de le perdre de vue pour je ne sais quelle raison, j'étais loin d'imaginer, bien que, dans le groupe que nous fréquentions tous deux à cette époque, il soit le seul qui trouvait grâce à mes yeux, que ce grand garçon très effacé et un peu froid pouvait réserver autant de bonnes surprises. Nous avons, depuis bientôt trois ans, noué une amitié solide et profonde, et ce grâce à Frédéric qui a été l'artisan actif de nos retrouvailles.
jeudi 30 juin 2011
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5 commentaires:
Et si je puis me permettre, si tu faisais les deux : des travaux terminés et continuer de voir ton ami régulièrement même si ce sera différent.
En tout cas, une belle déclaration que cette note et cela fait vraiment plaisir.
Là aussi,quel beau billet,lui,son caractère,vous deux et vos habitudes,les surprises de la vie peuvent être nombreuses et ils ne vous restent qu'a trouver un autre projet commun, une fermette sur les pentes du Pilat peut être...
Cornus: bien sûr que nous verrons régulièrement. Mais c'est tout de même quelque chose qui se termine.
Oliv'26: là, vous faites fausse route. Nous n'avons pas avec J-C des relations telles que nous prenions une fermette ensemble! C'est un ami de très longue date mais nous n'avons jamais envisagé cela!
Un couinement de chaton ? Je suis dévoré de curiosité.
"Moi il y a bien longtemps que j'aurais terminé ça à la va-vite en baissant les bras devant l'adversité" : OUF. Tu me rassures. Je ne suis pas seul au monde.
Lancelot: il n'a pas couiné le soir où je te l'ai présenté? Il devait être terriblement impressionné!
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