Comme chaque année depuis déjà pas mal de temps, je fais rédiger à mes élèves de cinquième, dans le cadre d'un atelier d'écriture, une nouvelle policière à la manière de Conan Doyle. Après quelques recherches sur cet écrivain et sur le plus connu de ses héros, Sherlock Holmes, après quelques lectures leur permettant de dégager la structure d'un tel récit, les voilà au travail pour de longs mois.
Beaucoup de sueur, beaucoup de découragements, beaucoup de brassage de méninges pour parvenir à me rendre, vers le début du mois de juin, un texte acceptable. Si ce n'est pas toujours la cas, je peux tout de même dire que la plupart de leurs écrits sont très honorables pour des enfants de cet âge et que certaines de leurs maladresses les rendent encore plus attachants (les anachronismes en particulier).
Mais cette année, ma fierté de professeur a été plus que comblée: l'une de ces nouvelles était largement au-dessus du lot, à tel point que si je n'avais pas connu cet élève, j'aurais douté de l'origine véritable de ce texte. Non seulement l'intrigue était assez bien ficelée (ce qui est le plus difficile à réaliser pour eux), même si la fin montre un certain manque de temps pour améliorer, mais tout y est: atmosphère, style, vocabulaire. Il en buvait du petit lait, Calyste!
Juste pour vous mettre l'eau à la bouche, voici le début de cette nouvelle à laquelle je n'ai pas changé un seul mot. J'espère que, si son auteur tombe un jour sur ce billet, il me pardonnera mon indiscrétion.
L'affaire commença le 8 décembre 1897 à Londres, l'année de l'inauguration de Tower Bridge. Il faisait nuit, le temps était froid et humide. un épais brouillard engloutissait la ville depuis plusieurs jours déjà. L'atmosphère au cœur de la cité était lugubre, nul être dans les rues, seules les âmes perdues pouvaient errer dans cette ambiance de terreur.
Mon ami Sherlock Holmes et moi étions tranquillement installés dans le salon, au premier étage du 221b Baker Street. Il fumait sa pipe, les yeux perdus dans le vide. Cela faisait plusieurs semaines qu'aucune énigme ne s'était présentée. Il s'ennuyait mais, pour ma part, au cabinet médical, je ne manquais jamais de travail. Ce soir-là, je lisais paisiblement le Times, en levant les yeux sur Holmes de temps à autre.
Soudain, le bruit sourd et métallique du heurtoir en bronze de la porte d'entrée retentit, nous extirpant de notre douce torpeur. Ces coups annonçaient peut-être une nouvelle énigme? Mon ami dut penser la même chose que moi car il se redressa rapidement de son fauteuil. A mon plus grand soulagement, je vis ses yeux étinceler d'une étrange lueur: son instinct de détective était en alerte!
Mrs Hudson alla ouvrir et une belle femme entra, coiffée d'un somptueux chapeau vert à la mode française et vêtue d'une élégante robe longue de velours du même vert. Ses yeux étaient noisette et ses cheveux, châtain clair, étaient rassemblés en un chignon tenu par une baguette de nacre sculptée. Elle portait au poignet de magnifiques bracelets et à son annulaire gauche une superbe alliance ornée de rubis. Elle nous salua et nous demanda:
- Pourriez-vous me dire lequel d'entre vous est le grand détective Sherlock Holmes? S'il peut me recevoir, j'ai une enquête digne de lui.
Mon ami, que seul le travail intéressait, demeura impassible. Toutefois, je le connaissais bien: derrière ce masque froid se cachait la plus vive des joies, celle du passionné désireux d'exercer son talent. Il se leva prestement de son fauteuil et lui répliqua sur un ton plus enjoué qu'il ne l'aurait souhaité:
- Je suis Sherlock Holmes. Que puis-je faire pour vous, Madame?
....
mercredi 29 juin 2011
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11 commentaires:
Eh ben dis donc, bien mieux que ce que je serais capable de faire...
C'est vraiment alléchant cette entrée en matière. Tu me donnes envie de lire la suite.
Lorsque j'écri(vai)s ma plus grande difficulté est le début... et donner un titre !
Cornus: même au bout de plusieurs mois de travail?
Erin: j'hésite à publier la suite. Après tout, ce texte ne m'appartient pas. Mais si vous êtes plusieurs à le demander, pourquoi pas.
Adepte des intrigues policières à l'anglaise, je sollicite, si l'ethique le permet, de pouvoir lire la suite...dont le début est prometteur.
P.S. Je vous lis depuis déja quelques temps (voire années) avec beaucoup de plaisir, et vous remercie pour cela.
Tu peux mettre le billet en accès restreint avec mot de passe. Ce qui nous permettrait de savourer your en gardant ton blog anonyme, surtout à tes élèves.
tout... pas "your". À ma décharge, je commente depuis mon smartphone...
Sans doute qu'après quelques mois de travail, ça ressemblerait sans doute vaguement à quelque chose. Mais bon, j'ai passé le niveau de cinquième depuis un certain temps !
Cornus: ça en serait d'autant meilleur, donc!
Erin: non, je crois que si je le fais, ce sera sans ça. Je suis contre les barrières, sauf en cas de force majeure.
Oliv'26: c'est moi qui vous remercie, donc, pour votre fidélité. Et merci d'avoir franchi le pas des commentaires.
Ah oui c'est alléchant.
L'auteur c'est un garçon ou une fille ?
Lancelot: un garçon.
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