Le cimetière est en pente, raide comme le sont tous les prés de ce coin de Loire où j'ai vécu enfant. D'un côté, le village que je ne reconnais plus, tant la ville proche a envahi les lieux de ses immeubles vite construits et de ses villas immondes. De l'autre, conservée intacte, la vue sur le semblant de plateau et au loin, le massif du Pilat, proche et lointain, qui barre les deux vallées presque parallèles, du Gier et du Rhône. Dans mon pays, pas de lignes de vignes ni de majesté fluviale, seulement les prés ponctués de grandes fermes tristes et alanguies, les bois de sapins et les sommets dénudés que recouvre la neige en hiver. J'en aime la douce sauvagerie .
Le soleil tape fort, autant que le vent souffle, glacial, dans les mois les plus sombres. Le cimetière est désert, même de lézards sur les marbres prétentieux. Pourquoi faut-il, chaque fois que j'y pénètre, que me viennent tout de suite à l'esprit les premières pages de l'Étranger de Camus, comme si, aujourd'hui, adulte, je ne pouvais dissocier ce début de roman de l'enterrement de ma grand-mère maternelle quand je n'avais que huit ans?
Les fleurs sont desséchées et la terre boit goulûment l'eau du grand récipient en plastique blanc (un ancien bidon de lessive liquide dont on trouve là des dizaines aux abords des points d'eau) que je vide sur elles. Seul un splendide hortensia rose prospère, au nord, le long du mur d'enceinte qui vient mourir contre le sombre tombeau d'un baronnet local. A droite, il y a mon géniteur et ma grand-mère paternelle, à gauche le père qui m'a élevé, ma grand-mère maternelle et ma sœur. J'ai cru longtemps que ce serait là, face aux montagnes et aux vallées, que mes os tomberaient en poussière. Ce ne sera pas le cas. La ville m'a avalé moi aussi.
dimanche 26 juin 2011
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4 commentaires:
Eh bien quand il sera temps, je n'ai pas non plus comme projet de reposer là-bas. Mais la vie ne m'a pas avalé. Quant au cimetière, je préfèrerais m'en passer.
Cornus: la ville, pas la vie!
Oui, je n'étais pas bien réveillé visiblement.
Cornus: remarque, la vie ne m'a pas encore totalement avalé non plus. J'espère qu'il me reste encore quelques bonnes années avant de rejoindre le lieu pré-cité!
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