En entrant dans les bois, je ressens toujours les deux mêmes impressions, à l'opposé l'une de l'autre.
Une fois la voiture garée, les bottes de caoutchouc enfilées, la fermeture du vêtement remontée, le sac à la main, j'ai hâte de franchir le petit fossé herbu et de gravir la pente qui clôture la forêt. J'ai déjà les yeux au sol : les plus beaux bolets, ne les ai-je pas trouvés en bordure de chemin ? La récolte sera-t-elle bonne ce matin ? Une sorte de frénésie me prend, comme aux prémices d'un désir amoureux. Quelques pas et les premiers chapeaux pointent, parfois à peine discernables au milieu des feuilles.
En même temps que ce contact sensuel, j'en connais un autre, plus sombre, plus inquiétant. On est toujours un peu enfant lorsque l'on pénètre dans les bois, et les contes n'ont pas manqué pour les rendre mystérieux. Lorsque le chemin a disparu, que les compagnons se sont éloignés, effacés bien vite dans l'épaisseur des branchages, au point que l'on n'entend plus leur marche écraser les brindilles, on se retrouve seul, comme si la forêt s'était refermée sur vous. Les bruits deviennent plus perceptibles, de furtifs mouvements vous font sursauter alors que vous êtes accroupi, la main tendue pour cueillir quelques pieds. Parfois, des voix se font entendre au loin. Mais sont-elles plus rassurantes que ces frémissements inconnus ? Vous pensez à la nuit, à la vie, sans vous, quand ses solitudes frémiront de leurs secrets où vous n'avez pas part.
Et puis le bois vous possède. Les arbres craquent et chantent sous le vent dans leurs cimes. En levant les yeux, vous apercevez le ciel, un bout de nuée qu'ils semblent vouloir effacer de leurs faîtes ou vers lequel ils s'élancent dans une frénésie de lumière. La mousse, gorgée de rosée, amortit vos pas qui l'écrase et se redresse après votre passage, effaçant toute trace de vie autre que végétale. Les ronciers dégoulinent des dernières ondées. Une feuille se détache et vient tomber près de vous, s'accrochant comme une boucle d'oreille à l'herbe haute qu'elle pare un instant. Et vous respirez l'odeur, cette odeur d'automne, de décomposition, de terre humide et de quelque chose d'indéfinissable, entre aigreur et douceur extrême.
Alors la volonté de conquête s'efface. C'est la nature qui vous a pris et tout à coup, vous vous arrêtez, droit au milieu des pins, infiniment présent à la vie du monde, et vous vous sentez petit, tout petit, mais heureux et vivant.
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6 commentaires:
Tout est vrai du premier au dernier mot !
C'est fort bien dit et je le partage en grande partie. Une nuance cependant, je ne trouve pas la forêt inquiétante. Mystérieuse, oui, puissante au-delà d'un certain entendement, à coup sûr. Les mouvements furtifs, la vie dans l'ombre ne m'inquiètent pas, elles aiguisent ma curiosité, pratiquement au même titre que la sensualité frénétique quand on trouve un "nid" de cèpes. En revanche, je ne sais pas si mes autres expériences avec la forêt (y compris plus "destructrices" ou scientifiques) changent fondamentalement les choses pour moi.
Très belle évocation en tout cas.
DIs quand m'emmènes-tu?
Revivre de vieux souvenirs....
Zezette ép X !!!
Plume : je pensais justement à toi en l'écrivant.
Cornus : moi, j'irais tout de même jusqu'à inquiétante parfois.
Zezette ép X : mais de laquelle s'agit-il ? J'en ai eu plusieurs.... :-)
Celle qu'il te suffit de regarder pour lire dans ses pensées...mais il est vrai que les bois et ses mystères n'ont jamais été évoqués..alors pensons fleurs, parc, arbre: un en particulier que nous avons en commun..
Alors?
Z ép X tu connais le Z et le X
Zezette... : mais j'avais bien compris, je te faisais marcher. Merci de commenter ici. En revanche, pour l'arbre, j'ai du mal....
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