Je n'ai pas de souvenirs d'enfance, jusqu'à ma douzième année à peu près, mon histoire tient en quelques lignes.(...) Cette absence d'histoire m'a longtemps rassuré: sa sécheresse objective, son évidence apparente, son innocence me protégeaient, mais de quoi me protégeaient-elles, sinon précisément de mon histoire, de mon histoire vécue, de mon histoire réelle, de mon histoire à moi qui, on peut le supposer, n'était ni sèche, ni objective, ni apparemment évidente, ni nécessairement innocente?(...)
Une fois de plus, les pièges de l'écriture se mirent en place. Une fois de plus, je fus comme un enfant qui joue à cache-cache et qui ne sait pas ce qu'il craint ou désire le plus: resté caché, être découvert.
(Georges Pérec, W ou le souvenir d'enfance. Ed. Denoël.
mercredi 25 janvier 2012
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6 commentaires:
Je suis très touchée par cet extrait. Pendant longtemps j'aurais pu dire la même chose, moins bien sans doute. Puis les souvenirs sont revenus, n'ont pas simplifié les choses d'abord, mais sans eux je me sentais amputée.
C'est le texte que les élèves de troisième ont eu ce matin au brevet blanc. Pour une fois, mes collègues ont choisi un texte magnifique, et que je connaissais pas.
Je repense soudain à un film d'André Téchiné qui avait trouvé ce beau titre : "Souvenirs d'en France".
Perec, woui.
Dominique: j'aime beaucoup ce réalisateur mais n'ai pas vu ce film.
Heureux de voir que vous partagez mon enthousiasme pour Perec!
J'aimerais tellement être dans ce cas. je n'ai pas eu une enfance malheureuse, mais certains détails pourraient s'envoler, ça me ferait de l'air.
Georges: comme pour les serpents, la mue fait peu à peu son office. Nous ne changeons pas de peau mais nous savons la regarder différemment.
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