Je lis de nombreux blogs dont les auteurs s'expriment le matin, ou assez tôt dans la journée. Comment font-ils?
Moi, le plus souvent, il me faut le soir, la nuit tombée, avec ma seule lampe de bureau allumée, n'éclairant que mes mains et le clavier. J'ai besoin de l'obscurité pour écrire. La lumière, c'est pour vivre, agir, bouger. Le soir, c'est pour soi, le soi qui résume, qui se souvient, qui ose dire, qui écoute les phrases des autres sans être "diverti" par leur son de voix, qui fait provision de bien-être avant de dormir. Car c'est un peu ça pour moi, ce blog: du bien-être.
A la fois le plaisir, la nécessité, l'impérieux besoin d'écrire, si impérieux qu'il m'arrive, comme tout à l'heure, de ne pas répondre au téléphone pour n'avoir que les mots noir sur blanc, que ceux que je choisis de dire, que je peux effacer, corriger, préciser.
A la fois cela et puis le rendez-vous avec les autres, tous ceux que je ne connais pas et que je retrouve régulièrement ou irrégulièrement, que j'imagine avoir passé leur journée de différents façons qui ne me concernent pas mais que j'espère là, le soir, avec quelques mots, des billets sur ceci ou sur cela, des commentaires qui se font écho, qui me font sourire, qui m'émeuvent, des mails parfois, plus personnels, plus intimes avec certains (ou certaines), tout un foisonnement virtuel et à la fois bien réel car, peu à peu, il me semble qu'apparaît autre chose que de la pure politesse, qu'un voyeurisme un peu primaire. Ce qui émerge, je crois, ce sont un intérêt vrai pour la personne, une curiosité saine de mieux connaître, des sentiments de fraternité, voire, pourquoi pas, d'amitié.
Je ne savais pas, en débutant ce blog, que j'irais aussi loin en ce sens et que cela me deviendrait aussi important. J'avais envisagé l'expérience comme une activité purement égoïste, un moyen de purger la machine, de rejeter le trop-plein, de classer les essentiels. Je découvre l'autre facette, tous ceux qui se cachent derrière cet écran et que je fais apparaître chaque soir, un peu comme on téléphone à des amis (et ils répondent le plus souvent, eux), qui me confient quelque chose d'eux-mêmes, souvenirs ou intérêts, douleurs ou riens du quotidien, expression artistique, création littéraire, partage de textes aimés.
Souvent, alors que je tape mes billets et que je lis ceux des autres, je vois, de l'autre côté de la rue, un homme jeune, parfois avec sa femme, nouvellement installé et qui, en fumant sa cigarette à la fenêtre, la dernière de la journée, me regarde, éclairé seulement d'un espace restreint de lumière, et se demande sans doute ce qui m'accapare autant. De lui, j'aperçois la silhouette et le rougeoiement intermittent du bout de sa cigarette. Que pense-t-il? Je ne sais pas. J'ai l'impression d'être plus près de ceux que je lis à Paris, dans le sud de la France, en Belgique, aux Etats-Unis, que de lui, dont seulement quelques mètres me séparent. La sensation est étrange, mais bien réelle. Et si je voulais l'aborder, le connaître, lui parler de moi et qu'il me parle de lui, la pudeur m'empêcherait d'agir, alors qu'elle ne me bloque pas ici. Pourquoi avons-nous peur à ce point les uns des autres?
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8 commentaires:
Vous lire le soir après vous avoir attendu,
rendez-vous nocturne tacite.
Vous relire le matin, comme un cadeau
emballé dans un papier de soie frissonnant
sous l’entrelacs du ruban bleu nuit.
Oui, vous lire sans commentaires,
il est des mots que l’on écoute
comme des notes noires ou blanches
posées sur une partition musicale,
ombre et lumière du voyage intérieur.
Amour de l'écriture, le temps est-il venu d'abandonner le "je" et de suivre le cours de l'imagination, le fil ténu de la fiction ?
Oui vous êtes une réelle présence, une belle personne et j'ai pour vous de l'affection, de la tendresse sans aucun doute . (Anna F.)
Etant "disponible", j'écris quand j'en ai "besoin".
La magie d'un blog c'est de s'exprimer sans être vu, connu ou reconnu. Mais, si l'on a des réponses, ells restent anonymes.
Donc, il faut garder ce petit jardin secret mais sans cesser d'aller vers les autres à visage découvert...Et tenter !
Je ne peux quasiment qu'écrire le matin, la tête étant moins fraîche et moins disponible le soir.
Sinon, si tu avais mal tenu ton blog, tu aurais pu poursuivre dans ton idée égoïste. Seulement, tu le fais bien alors... et tu tu suscites tant, parfois, souvent.
Ce jeune homme, peut-être attend-il que tu quittes ton écran après avoir cliqué sur "publier" pour se précipiter sur le sien et lire tes articles en primeur ! Ce serait drôle...
Merci à tous pour ces réactions, ces compliments, votre gentillesse et votre humour. Que dire? Je suis touché que l'on prenne le temps de lire mes élucubrations.Voilà.
La réponse est probablement... la distance : internet met des distances, rapproche les êtres, certes mais d'une manière bien moins frontale, directe.
Ce serait marrant... que se réalise ce que dit Patrick. Parfois la vie déborde dans les blogs d'une façon fort curieuse.
Pour ma part, j'écris n'importe quand (je poste souvent en différé grâce à canal), j'écris quand j'en ai besoin ou envie, mais j'ai remarqué que ce que je préfère dans ce je fais, c'est à dire pas grand chose, c'est ce qui sort soit le matin au réveil, sans avoir rien bu ni mangé, soit la nuit, la nuit très tard, quand le soleil n'est plus qu'un lointain souvenir.
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