Sur la tombe de Pierre, ce matin. J'avais planté des tournesols. Les escargots les ont mangés, ne laissant que le coeur, trop dur, et les nervures. Il faudra que je les enlève. Il faisait trop mauvais temps ce matin.
La lavande, elle, prospère. Il y a deux ans, elle était toute frêle et n'occupait qu'à peine un coin du rectangle de terre. Aujourd'hui, malgré les tailles successives, elle s'épanouit. Bientôt, elle sera en fleurs, des fleurs de la couleur des yeux de Pierre. Ce matin, j'ai empoigné quelques-unes de ses tiges mouillées et en ai frotté la paume de mes mains, emportant avec moi leur parfum jusqu'à ma voiture. Je suis heureux d'avoir eu cette idée de planter une lavande. Quand le soleil tapera fort sur son pied, les abeilles y viendront butiner. J'aime cette vie.
Je n'ai jamais parlé de Pierre, même si tous les billets de ce blog ont été écrits par rapport à lui, à ce qu'il m'a donné, à ce que je lui ai apporté. Sans lui, je ne serais pas celui que je suis aujourd'hui. Sa photo est toujours près de moi, sur mon bureau, à quelques centimètres du clavier. Il me regarde avec son sourire énigmatique et je le sens proche, en moi définitivement. Tout cela n'a plus rien de morbide. Apaisé. Sans doute évoquerai-je un jour ce que fut notre histoire.
Je l'évoquerai pour moi, parce que maintenant je crois pouvoir le faire sans souffrir, parce que j'en ai envie, parce que je veux aussi revivre, en écrivant, les moments de ces années et les lieux qui nous ont vus heureux souvent, tendus parfois, rarement malheureux, en particulier notre maison du Chablais, la maison de Sylvain et Sylvette comme je l'appelais parce qu'elle m'évoquait ces dessins de mon enfance.
Cette maison où je n'ai encore aujourd'hui qu'à fermer les yeux pour me retrouver, pour sentir le bois de ses meubles et de son escalier, la poussière déposée pendant notre absence sur les gros édredons qu'il fallait aérer, le bouquet de vieilles roses cueillies dès l'arrivée au rosier près de la porte et posé sur la table de la cuisine juste après avoir remonté le coucou que nous n'arrêtions qu'à la dernière minute, au départ, avant de fermer la porte.
Je sens l'odeur des confitures de prunes que j'y faisais chaque année, la peinture fraîche de la chambre du haut, sous le toit, près des greniers, là où, tôt le matin, les souris décidaient de me réveiller pour leur danse endiablée. J'entends ces foules d'oiseaux dans le noisetier de l'autre côté de la cour, ces chiens de chasse avides de grand air, je revois la Grandes Ourse au mois d'août, toujours au même endroit dans un ciel nocturne d'une pureté absolue, et au loin, les lumières de Genève ou de Thonon, pour nous rappeler, vainement, que la ville est toujours là.
Et je me vois, l'après-midi, dans le salon du bas, recroquevillé sur un canapé trop petit pour moi mais que je n'aurais pas échangé pour un empire, je me vois remonter un peu le plaid, poser le livre que je lisais et, avant de fermer les yeux, en regardant le soleil filtrer par la découpe en coeur du volet, écouter les mouches et les insectes vrombir dans leur fol hommage à la chaleur et à la lumière.
dimanche 1 juin 2008
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5 commentaires:
Tendre évocation. Sans doute chacun pourrait tant dire sur ton texte. Je préfère, parce qu'il m'y invite, à te claquer deux bises, une sur chaque joue.
Comme ça, direct, tu me fais un plaisir! Parce que je les accepte. Et les deux! Bon, je ne devrais pas le dire mais tes bises, elles me picotent un peu du côté des paupières. Je t'embrasse aussi, Olivier. Et merci pour la spontanéité de ce commentaire.
Justesse des sentiments et des émotions,
pouvoir les exprimer,
être sur le chemin,
la quadrature du cercle.
Je vous embrasse,
vous sentez la lavande.
Très émouvant. Mais pas de bises, on se serre la main (faut pas exagérer)...
Comme des hommes!!!! (Je souris.)
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