dimanche 8 juin 2008

Sur le ton de la conversation.

J'ai acheté le roman de Nicolas Fargues, J'étais derrière toi, parce que, sur la couverture de son édition de poche, on voit apparaître une carte de visite, tenue par une main d'homme, au dos de laquelle sont écrits ces mots du titre, mais en italien: Ero dietro di te.

Le plaisir, hélas, s'arrête quasiment là. L'auteur nous raconte la fin d'un couple et parallèlement le démarrage d'une liaison d'amour passionnée. Bien, pourquoi pas? Mais très vite, je me suis senti un peu gêné. Par le style d'abord, très peu écrit en apparence, voulant calquer l'oral (d'ailleurs il est censé s'agir d'une "confession" en tête à tête avec un ami, qui, lui, n'intervient jamais. Pourquoi pas, encore une fois?

Sauf qu'à la longue, ce procédé devient lassant, que de voir décortiquer des sentiments, des émotions, des colères, des douleurs sur le registre de la conversation, ça finit par sonner faux. Le côté trop dégagé du registre ne convient pas à ce qui est dit.

De plus, Nicolas Fargues n'est pas Marcel Proust et l'analyse des différents mouvements de l'âme amoureuse s'enlise souvent dans la redite, la surenchère gratuite, voire parfois le pathos. Rédiger une longue phrase ne veut pas toujours dire rédiger une bonne phrase (c'est d'ailleurs ce que je me tue à expliquer à longueur d'année à mes élèves).

Ce roman se lit, ce n'est pas insupportable (malgré quelques tics un peu "mode"), mais ça n'a pas grand intérêt. Heureusement, on peut le finir très vite.
Je me suis rendu compte trop tard que Nicolas Fargues faisait partie des écrivains invités aux Assises du Roman de Lyon, il y a quelques jours. Dommage! J'aurais aimé l'entendre, pour pouvoir confirmer ou infirmer cette première impression, qui n'est pas bonne.

(...) quand je rentre dans un musée pour regarder tout ça religieusement, à petits pas, sans faire de bruit pour ne pas déranger les visiteurs, avec trois minutes minimum à scruter chaque tableau au risque de passer pour un rustre, tout de suite, ça me bloque, ce côté obligé, balisé, sacré, tout de suite ça m'emmerde.(...) Ce n'est pas ce que j'aime, en Italie. Ce que j'ai aimé, moi, le jour de mon arrivée- ça faisait dix ans que je n'y étais pas venu, en Italie-, c'est dès le hublot de l'avion que ça a commencé. C'était le simple fait de regarder les arbres italiens, les champs italiens, les routes italiennes et les usines italiennes en bas et de me dire: "Je vais atterrir en italie (...)" Et, à partir de là, tu t'étonnes à chaque pas et l'insignifiant, le soi-disant ordinaire, le soi-disant impersonnel, devient un spectacle permanent: la couleur du tarmac de l'aéroport(...), les noms d'entreprises italiennes inscrits sur les enseignes, les marques originales italiennes, les voitures, les machines, tous ces signes qui témoignent de l'autonomie créatrice et économique d'un pays, le design de la navette aéroportuaire, les lunettes aérodynamiques du chauffeur qui bavarde calmement avec un collègue. Et puis, la façon que ce chauffeur a de tenir son volant, de regarder dans son rétroviseur et de presser les boutons de son tableau de bord, plus détendue et plus souple que celle de son homologue français.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

En passant en revue les jeunes auteurs français, on constate que la phrase courte est très à la mode. Comme lecteur, je n'aime pas les romans écrits avec des phrases courtes. Il est vrai que la pratique de la longueur nécessite de réelles qualités d'écrivains, j'en veux pour preuve le magnifique dernier livre d'Albert Camus, un manuscrit inachevé retrouvé dans sa sacoche après sa mort, "Le premier homme". Les phrases y sont très longues et jamais ennuyeuses, une telle poésie s'en dégage que jamais on ne voudrait qu'elles finissent. N'est pas Proust (ni Camus) qui veut!