samedi 28 juin 2008

Mon premier Jaccottet

Je ne connaissais pas Philippe Jaccottet.

Ce peu de bruits m'a mis pour la première fois en contact avec lui, et, je peux le dire, le contact ne fut pas aisé. J'ai lu la moitié de son livre en prose sans y trouver grand intérêt. Incompatibilité? Fatigue intellectuelle de fin d'année de ma part? Il m'a servi bien des soirs à aider l'endormissement.

Jusqu'à cet après-midi, pendant la sieste. J' ai abordé la partie qui donne son titre à l'ouvrage et alors je me suis mis à corner les pages les unes après les autres, j'ai lu cette deuxième moitié sans m'interrompre, seulement pour bien enraciner le sens, la beauté en moi. Je n'avais pas compris. Dire le petit qui ouvre sur le mystique, sur l'universel. J'ai repris le début, m'éclairant de la suite. Les textes, de fades, sont devenus clairs: j'entendais leur sonorité, elle éveillait enfin des échos en moi.

Ce livre restera sans doute près de moi longtemps. J'ai envie de le relire lentement, peu à peu, de laisser vieillir l'élixir que je vais en tirer. Il m'est difficile d'en extraire un passage, un seul. Sans doute en reprendrais-je d'autres ailleurs. Celui-ci m'a donné la clé:

Saigyô

" Au bout du crépuscule
franchissant le col du mont Hihara
soudain le chant d'une tourterelle
comme venu de l'eau-delà."

(Là, il me semblait que Saigyô me tendait à travers le temps un modèle, un concentré de ce qu'il m'est arrivé d'éprouver au plus profond de moi, le centre d'où tout serait partie ou vers quoi tout se serait orienté. Chose à la fois mortifiante, parce qu'elle signifie qu'on n'a rien inventé, et réconfortante; écho dans lequel s'effacent siècles et distances et qui semble témoigner d'une communauté inespérée.
Il y a en effet dans ces quelques vers le moment du passage du jour à la nuit, associé au passage du col; la soudaineté du chant entendu, et l'impression qu'il vient de l'"au-delà"- j'ignore ce que cette traduction veut exactement dire: venu simplement de l'autre côté du col, ou d'un autre monde. Mais c'est exactement ce que j'aurai tant de fois ressenti et essayé de dire: un creusement de l'espace-temps jusqu'à l'infini, mais, il faut y insister, dans des circonstances banales, à l'intérieur de ce monde et d'une vie d'homme parfaitement quelconque et sans histoires.)

Philippe Jaccottet, Ce peu de bruits, NRF, Gallimard.

En tapant ces lignes, j'ai eu constamment à l'esprit un autre moment du passage, dans une vie de femme parfaitement quelconque et sans histoires: le moment de l'Annonciation à Marie. L'impression aussi que peu à peu, les pièces de mon puzzle intellectuel commencent à s'imbriquer.

Aucun commentaire: