Au moment où je commence ce billet, la nuit peu à peu tombe sur la ville. Dans la cour, toujours plus sombre que la rue, les hirondelles tournent et retournent en lançant leur cri aigu, les fenêtres ouvertes s'éclairent, les derniers bruits de vaisselle se sont tus, on n'entend aucun son que celui des oiseaux. Où sont les hommes?
Je viens de comprendre que nous vivons en ce moment les jours les plus longs de l'année, que bientôt, et bien vite, ils vont décliner à nouveau jusqu'au sinistre hiver qui n'en finit pas.
Tout ceci a une odeur de fin. Je n'ai jamais aimé ces longs jours d'été qui ne veulent pas disparaître, qui s'accrochent à la vie, où l'on est dans l'attente inconsciente on ne sait pas même de quoi. L'obscurité ne m'effraie pas, je l'aime même, comme le jour, mais pas l'entre deux. A cet instant une sirène de pompiers retentit dans la rue, qui rajoute à la mélancolie. J'ai toujours pensé que beaucoup d'êtres humains mouraient à cette heure-là, comme au printemps, comme à l'automne, parce que rien n'est assez sûr pour s'y raccrocher.
C'est aussi la fin de l'année scolaire, période que je n'aime pas, par ses tensions mais surtout par l'arrêt des pratiques de longs mois: l'emploi du temps, les groupes d'enfants de chaque classe, la rencontre à certaines heures de certains collègues. Tout cela va cesser. Moi qui suis quelqu'un d'habitudes, je vois toujours venir ce moment avec une certaine tristesse. Plus jamais cette réalité n'existera à l'identique.
Bien sûr, d'autres habitudes se prendront l'an prochain, qui me feront vite oublier celles-ci. Ce matin, nous avons, Stéphane et moi, accueilli ensemble un groupe d'une cinquante d'élèves de CM2 inscrits chez nous l'année prochaine. Moment émouvant: on les voit pour la première fois, on les impressionne, c'est évident. Ils sont petits et se font plus petits encore. A côté d'eux, les volontaires de 6° qui les guident tout au long de la matinée ont l'air de grands, c'est dire. Ces enfants, pour la plupart, nous écoutent avec attention, certaine ne peuvent réprimer leurs bâillements (une nuit agitée, peut-être, à l'idée d'affronter le lendemain la "grande école"). Moi, je suis ému, et je pense que Stéphane aussi. Allez, une page est tournée, entamons la suivante. Enfin pas tout de suite. En septembre, ça ira bien.
C'est aussi une période de ma vie où je retrouve de très anciens amis, de Paris ou de Lyon, amis que la vie, la bête vie, a éloignés, sans autre raison que le temps qui passe, dont on se souvient en se disant qu'il faudrait les recontacter, et puis on ne le fait pas. Et tout à coup, en revoilà certains, par hasard, presque miraculeusement.
Le miracle n'est pas dans les retrouvailles, mais dans le fait que, dix ans, quinze ans, vingt ans plus tard, on les reconnaisse malgré les rides en plus, les kilos bien installés, la patine des ans, et que l'on reprenne la conversation là où elle s'était interrompue des siècles plus tôt. Et ça fonctionne, et ça colle. On ne s'arrêterait plus de parler, on veut tout raconter, tout savoir de l'autre, tout comprendre et partager.
Je viens de passer ainsi pas loin de deux heures au téléphone. Je dois retrouver Alain vendredi, nous dînerons ensemble en ville. Je gage que les silences seront rares. Si un ange avait dans l'idée de passer ce soir-là par notre table, je lui conseille de retarder son voyage ou d'emprunter une autre ligne, car, à côté, les grèves de la SNCF (les vraies, celles d'avant le service minimum), c'est de la roupie de sansonnet.
Un peu de nostalgie, ce soir, donc. mais c'est un luxe que bien peu de gens s'offrent aujourd'hui.
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2 commentaires:
Eh toi, là-bas, tu veux bien - s'il te plait bien sûr - cesser de voir déjà l'hiver arriver dès dimanche matin :))
C'est que j'ai du mal à faire le tri dans les jours: hiver, hiver, hiver, automne, (ét) non hiver, hiver, été (une erreur sans doute): voilà ce que propose en ce moment l'écume des jours!
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