Quand j'étais enfant, à la campagne, il y avait le jour de lessive, toujours le même, je ne sais plus lequel mais toujours le même.
Une fois ma grand-mère maternelle morte, je dus regagner la maison familiale et faire la connaissance d'un frère et d'une sœur, bientôt deux. En tant qu'aîné, il m'était (beaucoup) demandé de participer aux divers travaux de la maison. Ce jour de lessive, j'en garde à la fois un très bon et un très mauvais souvenir.
Le bon, c'est l'odeur de la poudre à laver, la mousse qui s'écoulait à terre (il fallait vidanger la machine à l'extérieur) et s'irisait dans ses bulles au soleil - nous récupérions de cette mousse entre nos mains pour y observer notre reflet au gros nez ou pour en déposer sur celui de l'un d'entre nous que nous transformions ainsi en clown pour quelques secondes, le temps que les bulles éclatent. -, le moment où nous allions avec ma mère étendre les lourds draps blancs à même l'herbe du pré où, en séchant, ils s'imprégnaient d'une odeur que je n'ai plus jamais retrouvée ailleurs, l'autre moment, plus tard, où nous essayions de les plier correctement en tirant de toutes nos forces chacun à un bout, pendant que les plus petits s'amusaient à passer dessous et à les attraper pour que nous lâchions prise.
Le mauvais, c'est l'humeur de ma mère, à un moment ou à un autre de la journée. Nous savions que - pour quelle raison précise? mystère - le jour de lessive ne se passait jamais sans des cris, de l'énervement, voire quelques taloches à ceux qui se trouvaient le plus près de la main. C'était le prix à payer pour le reste. Je n'aimais pas non plus le système très rudimentaire d'essorage qui consistait en deux rouleaux de caoutchouc très rapprochés l'un de l'autre, entre lesquels il fallait faire glisser les draps pour en extirper le maximum de liquide. Parfois le drap acceptait bien la manœuvre et passait sans difficulté. Parfois il se plissait, se mettait en travers, arrivait même à bloquer totalement le mécanisme. Sans doute était-ce dans ces moments-là que la main volait un peu vite.
Et puis, il y avait le cadeau. Nous attendions avec impatience le nouveau paquet de lessive Bonux, et recevions à tour de rôle, ou selon le sexe concerné, la surprise en plastique qui se trouvait sur la poudre: poupées, voitures miniatures, éléments de dinette, peut-être même billes et agates.
Je ne me souviens plus très bien des objets ainsi collectés. Ce qui l'emporte dans mes souvenirs, ce sont les parfums des draps, les odeurs d'herbe et de lessive qui me rassuraient, me grisaient parfois et m'aidaient à tranquillement m'endormir, et la douceur des initiales brodées de coton, souvent d'un violet très pâle, que je lissais entre deux doigts en me laissant couler dans mes rêves.
vendredi 29 février 2008
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1 commentaire:
C'est bien vrai, çà! Et j'f'rais pas çà tous les jours!
La mère Denis
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