- J'ai toujours peur d'être en retard.
Voilà ce que m'a dit ma mère hier soir.
Elle venait de finir de dîner, et, sans attendre, il fallait baisser les stores, enlever les bas de contention, vérifier si le lit était bien fait, changer des détails dans l'arrangement des draps, passer la chemise de nuit, remonter le réveil mécanique et placer le verre d'eau pour le cachet de 21h sur la table de nuit.
Il était 18h40. J'essayais de suivre les nouvelles sur FR3 et lui fis remarquer que nous avions tout le temps devant nous et que ce qui se disait à la télévision m'intéressait. Elle n'a pas tenu une minute avant de réitérer sa demande. Au bout d'un moment, j'en ai eu assez et lui ai reproché son côté "petite fille gâtée", rôle qu'il semble bien qu'elle ait jouer longtemps en privé avec mon père. C'est à ce moment qu'elle m'a fait cette réponse.
J'y ai repensé ensuite chez moi, dans la soirée, tant la répartie n'était pas banale. Ma mère aurait-elle toujours eu peur du temps mort? Dans ce cas, cela expliquerait l'évolution que je vois dans mon comportement: on me reproche parfois de ne pas cesser de bouger, d'agir, de m'occuper, et le reproche n'est pas gratuit.
Plus jeune, je savais ne rien faire, j'étais même un doux rêveur. Ma capacité de m'évader du monde qui m'entourait était telle que ma mère, en me surprenant dans ces moments d'absence, me demandait chaque fois si j'allais bien, si je n'étais pas malade. Aujourd'hui, je ne sais plus. Il faut que je sois occupé, ne serait-ce qu'à lire. L'enfer, pour moi, serait d'être condamné à rester allongé sur une plage, à ne rien faire de toute la journée.
Les responsabilités que l'on m'a très tôt mises sur le dos en tant qu'aîné tutorant ses frères et sœurs, puis, beaucoup plus tard, la maladie et la mort de Pierre, ont sans doute exaspéré cet aspect de moi qui aujourd'hui me gêne moi-même, parfois.
J'arrive heureusement peu à peu à profiter du moment présent sans plus avoir en tête la liste des choses qui restent à régler mais cela me demande un effort, et le mouvement recommence lorsque je reviens à mon naturel. Il faudrait que je me résigne à ne pas vouloir tout gérer, que je consente à ce que tous les fils ne soient pas dans mes mains, que sans doute j'accepte réellement de devoir mourir un jour.
samedi 23 février 2008
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire