lundi 18 février 2008

L'ardoise.

Voilà de quoi rassurer Anna: l'ébéniste-poète est de retour.

Je suis passé devant son atelier dimanche matin, en me rendant au marché Saint-Louis. J'étais un peu intrigué: l'ardoise allait-elle être vierge de tout écrit, comme dimanche dernier, ou bien la tradition se renouerait-elle? De loin, j'ai vu la trace des mots, comme de la fumée blanche dans un ciel noir, et en m'approchant, j'ai lu un texte d'Andrée Chedid sur l'enfance sacrifiée pendant la guerre au Liban.

Et je me suis souvenu tout à coup qu'artisan et poète, étymologiquement, c'est la même chose. Pourquoi s'étonner qu'un ébéniste se passionne pour la littérature, quand on sait que le mot Poésie vient du verbe grec "poïeïn" qui signifie "faire"?

Un poète est un artisan, il construit son texte comme le maçon son mur ou le menuisier sa charpente. L'art nécessite donc un travail, un labeur, une peine. Nous sommes là bien loin de la fulgurance! Je préfère, pour ma part, m'imaginer les bâtisseurs de textes à l'image des bâtisseurs de cathédrales.

Et j'aime ce rendez-vous gratuit du dimanche matin.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

« La courbe blanche sur fond noir que nous appelons pensée » n'appartient à personne, pas même à celui qui la formule. Pour le poète, le monde, le sang et la pensée ne font qu'un.
Être dans la pensée, c'est saigner dans le monde. Pour Breton, qui a merveilleusement souligné que Lautréamont et Rimbaud « se sont montrés l'un et l'autre d'implacables théoriciens », la poésie doit non seulement être faite par tous, mais partout, en toutes circonstances, et sans jamais aucune exception.
Si la poésie s'arrêtait quelque part, s'il y avait une frontière à partir de laquelle on cesserait de vivre la poésie, le poète cesserait du même coup d'exister, et le suicide serait vraiment l'unique solution.
Tant que la pensée est là, tant qu'elle peut se lancer dans une possibilité dont la fin ne sera jamais déterminée à l'avance, tant que l'écriture automatique peut se faire entendre, fût-ce dans un étrange article de journal, fût-ce dans une conversation chuchotée à l'aube avec une femme, fût-ce sur le revers blanc d'un paquet de cigarettes, fût-ce même en prison, tant que la chance est là, béante, tant que l'infortune et la fortune sont en balance, la poésie reste la seule énergie qui puisse permettre à l'homme de ne pas considérer l'absence de plaisir, l'absence d'amour comme un mal intolérable. Dans les circonstances les plus angoissantes, les plus avilissantes qu'un poète peut traverser, il y a le hasard, il y a la chance, il y a cet entrecroisement formidable de la nécessité naturelle et de la nécessité individuelle, et c'est précisément au lieu de cette intersection, lieu mental, lieu physique, que se poste le combattant de la Commune de l’esprit dont je parle.

Alain Jouffroy,
Introduction, in « Clair de terre » d’André Breton.

Anonyme a dit…

Poésie Peauésie. J'ai repris hier soir le livre de Régine Detambel "Eloge de la peau" et le chapitre "Peauésie". "Notre peau, passant de la luminosité à l'obscurité, notre vêture de gloire et de désastre".
J'ai envie de m'acheter un petit tableau noir, mais je dois encore chercher le lieu où le déposer (sourire).Anna F.

Anonyme a dit…

L'oeuvre au noir,
le blog de trottoir ?

La craie crisse et écrit,
révérence à l'esprit

Le passant caresse des yeux,
en ce lieu qui dit mieux ?

Tendresse fugitive
pour une âme vive.

Calyste a dit…

Pour un prof., donner envie d'acheter un tableau noir, c'est une réussite, non?
Oui, magnifique, l'oeuvre au noir. L'alchimie du dimanche matin.

Merci à toutes deux.