Toujours le même malaise à rentrer dans le collège. A la porterie, une nouvelle employée : il faut que j'épelle mon nom et ça m'agace, après 33 ans passés sur place. La salle des profs est déserte : tant mieux. Dans la pièce à côté, Isabelle, penchée, seule, sur son travail. Nous descendons fumer une cigarette, sous la pluie.
Devant le CDI, des élèves s'assemblent : des sixièmes qui viennent rencontrer un ÉCRIVAIN ! Pas intimidés mais curieux tout de même. Une fois de plus, je suis frappé par leur petite taille, en début d'année. Dans le couloir, d'anciens élèves me saluent, avec le sourire. Des collègues aussi, ceux à qui j'aime parfois faire la bise. Le monsieur est là : une petite cinquantaine, mince, d'une élégance décontractée. La conversation commence, les questions fusent, la plupart intéressantes. J'aime la façon de parler de Mourlevat, simple mais pas bêtifiante : il s'adresse aux élèves comme il s'adresserait à des adultes, ce que j'ai toujours fait.
A la fin de la séance, j'apprends qu'il vit tout près de Saint-Étienne et qu'il s'est même marié à la mairie du village où j'ai passé mon enfance. Ce qui me frappe chez lui, c'est qu'il ne ressemble pas à ses livres. Pourtant si, parfois la nostalgie affleure. Je lui demande si le plaisir d'écrire est le même lorsqu'on sait que, presqu'à coup sûr, on va être publié, si l'on sent encore la même liberté. La question semble un instant l'embarrasser. Mais il me répond franchement : le poids est plus lourd à porter, il sait qu'il va être lu par des gens qui l'aiment et ne peut les décevoir.
A la sonnerie, les élèves s'agitent. Ils ont consommé. Un ou deux resteront encore un peu pour échanger quelques mots. Demain, la plupart d'entre eux n'auront-ils pas déjà oublié ?
jeudi 10 octobre 2013
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5 commentaires:
J'ai eu l'occasion de discuter avec des élèves de 3ème, et sur un de mes livres qui n'était pas des plus faciles puisqu'il parlait du suicide des personnes âgées, et j'avais été sidérée de la finesse des questions posées et de la capacité de compréhension de ces gamins. Pour dire franchement les choses, beaucoup plus exigeants et éprouvants que bien des rencontres avec des lecteurs adultes. Mais quel plaisir !
Je me souviens d'une rencontre, en quatrième, avec un écrivain. Je m'en souviens très bien : les questions avaient été "téléphonées" après une séance de discussion préalable avec le prof de français. Des questions stéréotypées, pas du tout naturelles, pseudo-intello et donc inintéressantes, posées en grande partie pas les "bons élèves" dont je n'étais pas. Je n'ai aucun souvenir du nom de l'écrivain régional de l'étape.
Je la trouve très bonne la question du sieur Calystee, car je me la suis posée déjà.
Les ados, ils ont toujours l'air de passer à autre chose, comme ça, brutalement et c'est déconcertant, mais s'ils ont posé des questions, s'ils ont réagi aux réponses de l'auteur, alors il s'en souviendront et mieux, certains auront la curiosité de lire le livre, si leur prof de français n'a pas la maladresse de les y obliger !
Il faut leur faire confiance, aux enfants, aux ados, ils gardent trace de tout s'ils ne sont pas "téléphonés" au préalable, comme le dit si joliment Cornus !
Plume : et la plupart du temps, ce ne sont pas les "meilleurs" élèves qui posent les questions les plus pertinentes.
Cornus : horreur ! Où est la spontanéité là-dedans ?
Karagar : et je n'ai pas la réponse.
Chroum : lorsque nous faisons venir des écrivains, c'est parce que les élèves ont lu au moins un livre de ces auteurs. Sinon, ils ne peuvent pas en parler. Bien sûr qu'ils sont obligés de les lire, mais, pour ma part, je leur donnais toujours le droit de ne pas aimer, à condition qu'ils m'expliquent pourquoi.
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