La mère d'Yvon n'est plus chez elle. Cette femme admirable qui avait trouvé les mots pour tenter de me consoler, moi, de la mort de son fils, a quitté ce tout petit appartement où je l'ai toujours connue. Ce tout petit chez soi de deux pièces et la cuisine où, à l'époque, ils s'entassaient, les sept enfants et les parents. Le père était alcoolique et les gosses devaient intervenir souvent et s'interposer pour éviter qu'il ne cogne la mère. Une fois veuve, elle est restée là, toujours à la même place à table, à faire des mots croisés et à m'accueillir avec un grand sourire lorsque, de plus en plus rarement, je lui rendais visite.
La dernière fois que je lui ai téléphoné, il y a quelques mois, le numéro n'était plus attribué. Personne ne m'avait prévenu du changement. C'est ma cousine, ce soir, qui m'a appris la nouvelle: elle vit maintenant dans une maison de retraite, au bord de la Loire, à Andrézieux. Elle y a sans doute trouvé le confort et le calme auxquels elle avait bien droit. Pourtant, exilée dans la plaine du Forez! La plaine: quand nous disons cela, à Saint-Étienne, nous le faisons toujours avec les lèvres de qui parlerait de l'étranger. Comment peut-on vivre dans un pays plat? Et puis, ces gens qui ne sont pas environnés de crassiers, nous ont toujours semblé bien riches, et donc suspects.
Sans doute l'a-t-on installée là-bas par commodité, pour qu'elle soit plus près de l'un de ses enfants. Mais comment le vit-elle après avoir quitté ce qui fut toute sa vie le cadre de ses joies et surtout de toutes ses peines. Je ne sais pas de quelle maison de retraite il s'agit mais je vais tout faire pour la trouver. Alors j'appellerai ma vieille Clotilde avant qu'elle ne parte pour un peu plus loin.
mardi 3 avril 2012
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3 commentaires:
J'ignorais la réputation de la plaine du Forez, du moins à ce point là, d'autant qu'aujourd'hui, c'est pas mal dépassé.
J'admire ta fidélité vis-à-vis de cette dame.
Je ne connais pas ta vie, mais je trouve qu'il y a de la nostalgie, de la tendresse et de la fidélité dans ce billet là..
Cornus: ce que je dis date de mon enfance et n'est qu'un ressenti personnel.
La mère d'Yvon est sacrée pour moi.
Jean-Pierre: tu ne te trompes pas.
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