Hasard du calendrier: ce samedi 26 décembre, jour de la Saint Étienne (également nom de ma ville natale),j'ai rencontré un Étienne. A vrai dire, je le connais depuis très longtemps. La première fois, cela devait être pendant mes études, à la Faculté de Lettres de Lyon. Quelqu'un qui m'avait intrigué, par sa réputation sulfureuse. Mais à l'époque, c'était surtout son ami François que j'avais fréquenté.
François, c'est François Rabelais, l'auteur de la Renaissance que tout le monde connaît. Étienne, lui, est moins célèbre, et pourtant. Étienne Dolet fut un très grand imprimeur de ces temps de renouveau, sous le règne de François Ier qui, malheureusement pour Dolet, n'alla pas jusqu'au bout de sa volonté d'ouverture, surtout dans le domaine religieux, et permit qu'on le brûle (brûlât, pour les puristes) à Paris en 1546.
Né à Orléans en 1509, il arrive à Lyon en 1534 et rencontre tout de suite le grand imprimeur d'origine allemande Sébastien Gryphe qui devient son ami. Après avoir obtenu du roi, en 1558, un privilège exceptionnel pour l'impression des œuvres "des auteurs modernes et antiques", il ouvre un atelier rue Mercière, à l'enseigne de la Doloire (une sorte de petite hache). Du latin, il se tourne alors vers le français qu'il veut, comme bon nombre de ses concitoyens, "défendre et illustrer". D'ailleurs, la préface de son Manière de bien traduire est adressé au "peuple français", terminologie gaulliste bien nouvelle à l'époque. Cette langue encore balbutiante dans sa forme écrite lui permet pourtant de toucher immédiatement un plus vaste public. Malheureusement, son succès lui attire les jalousies de ses confrères lyonnais que lui-même ne ménage pas en les traitant ouvertement d'"ivrognes" et de "paresseux".
Dolet dut subir trois procès pour meurtre d'abord puis hérésie et perdit peu à peu ses amis et ses protections, en particulier celle du cardinal de Tournon, également évêque de Lyon. Son dernier emprisonnement se conclura par sa mise à mort sur un bûcher Place Maubert à Paris.
Ce libre penseur n'a par la suite reçu que peu d'honneurs. Sa statue Place Maubert fut fondue, j'ai oublié à quelle occasion (une guerre, il me semble). A Lyon, on lui a dédié un petit bout de rue de rien du tout, tout près de chez moi d'ailleurs, dans le troisième arrondissement, et un square qui vient d'être rénové. Seule Orléans, sa ville natale, possède un buste de lui dans le jardin de l'Hôtel de Ville. Mais on peut aussi dire que la rue Sébastien Gryphe n'est pas une des plus cossue de Lyon. Je regrette ce désintérêt des municipalités pour des hommes tels que ces littérateurs et imprimeurs de la Renaissance. Lyon particulièrement, à cette époque ville prospère, principale place financière et banquière du royaume (d'où la présence répétée dans ses murs de François Ier, qui y venait emprunter de quoi payer des campagnes militaires en Italie voisine), devrait, à l'occasion du 500° anniversaire de la naissance de l'un d'eux, Étienne Dolet, ne pas se contenter de cette exposition, si intéressante soit-elle, à la Bibliothèque de la Part-Dieu.
Si vous êtes intéressés, dépêchez-vous: la clôture en est prévue le 2 janvier 2010. Moi, je me suis régalé. Et puis, en sortant du centre commercial surpeuplé en ces temps de fêtes de fin d'année, quel repos: nous étions trois (plus une gardienne très occupée à jouer avec son téléphone portable).
samedi 26 décembre 2009
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3 commentaires:
C'est drôle, hier, ou plutôt tard cette nuit, je me baladais sur Wikichose, et je suis arrivée à Lyon, pile chez Étienne. J'étais passée par chez François (en me disant au passage, zut, Grand Fils ne m'a pas rendu MON François)Le truc terrible sur Wiki, c'est les noms en bleu. Tu ne peux pas t'empêcher de cliquer dessus et voilà que tu arrives à la Haye, à Londres, à Paris, à Genève et je ne sais où, et le lendemain, tu vas "à la ville" acheter un pantalon, et zut il y a une librairie à côté, et tu reviens avec Utopia de Thomas More et L'éloge de la folie d'Érasme, et en prime le vertige devant l'immensité de ce que tu n'as pas encore lu. Pourquoi je dis "tu" d'ailleurs, puisque c'est "je" ?
Cela dit, oui c'est fou le nombre de bûchers qu'on croise quand on se balade dans le monde des livres.
Etienne Dolet pour son 500ème anniversaire est revenu en "lumière" à Lyon : Emission d'un timbre Etienne Dolet le 4 juillet 2009, Publication du livre de Marcel Picquier, Président de l'Association des amis d'Etienne Dolet", "Etienne Dolet - 1509 - 1546 6 imprimeur humaniste mort sur le bûcher",Colloque international Etienne Dolet en nov dernier,en 2004 et 2005 changement des plaques de la rue Etienne Dolet à Lyon et mise en place, rue Mercière, d'une plaque commémorative à l'adresse de son imprimerie à la "Doloire d'or".
Tous ces renseignements vous les trouverez sur le site d'Etienne Dolet : www.amis-etienne-dolet.com, vous pouvez y laisser un message. à bientôt jcD
Il y a pire comme fréquentations, chère K.
Merci beaucoup, jcDo, pour toutes ces précisions.
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