J'avais promis, je l'ai fait, malgré mon manque de dynamisme. Hier, je suis allé à la campagne, déjeuner avec Georges, le mari de Kicou. Au lever, un ciel de plomb, et rien d'autre toute la journée. Un e grosse fatigue due à un léger ennui de santé ces derniers jours. En voilà assez pour prendre le téléphone et se décommander. Sauf que. Sauf que c'était Georges et que je n'avais pas envie de me décommander avec Georges.
Je suis entré dans la grande salle commune plus tôt qu'à l'heure du rendez-vous et, comme d'habitude, il m'a accueilli avec son traditionnel: "Je croyais que tu n'arriverais jamais!" C'est sa façon à lui de montrer sa tendresse. Il était seul. Je crois que c'est la première fois que nous sommes ainsi face à face, sans l'aide ni le secours de Pierre, de Kicou ou de tout autre. Et de l'aide, nous n'en avons pas eu besoin. Je suis heureux qu'une relation directe s'installe avec ce vieil ours qui se protège tant. Il m'a touché, dans la cuisine, lui qui, avant la maladie de sa femme, n'avait jamais touché une casserole ni préparé un seul repas. Pendant ses séjours à l'hôpital, Kicou lui avait noté des recettes sur des feuilles A4, de sa belle écriture à l'encre noire, belle et lisible comme celle des maîtresses d'autrefois lorsqu'elles écrivaient au haut du tableau la phrase résumé de la leçon de morale qui débutait la journée et que nous devions recopier sur un cahier spécial en variant la calligraphie: italiques, rondes, script, anglaises ....
Georges s'affairait tant qu'il en oublia et l'apéritif (il avait pourtant déjà installé les bouteilles sur la table) et l'entrée. Mais le plat principal fut très réussi dans sa simplicité: des côtes de porc aux oignons et à la tomate et une platée de spaghetti. Je l'ai rassuré sur la qualité du résultat. Nous avons même échangé quelques recettes d'hommes seuls, faciles à réaliser.
Après le repas, nous avons fait un tour sur le plateau, entre les vignes, d'où l'on apercevait à peine la vallée du Rhône, en bas. Nous avons parlé encore, de Kicou bien sûr, de sa peur de la mort, de sa vitalité surtout, coupant rapidement le silence lorsqu'on frôlait le sentiment de solitude qui envahit à la mort de l'autre. Il m'a dit qu'elle m'aimait beaucoup. Je le savais mais l'entendre de sa bouche à lui, si pudique, si réservé, m'a fait un immense plaisir.
Un chat nous a accompagné pendant toute notre virée, qu'il a fallu un peu écourter à cause de la pluie qui reprenait de plus bel. L'animal ne voulait plus nous lâcher: il a fallu le faire fuir en nous montrant menaçants. Je ne me suis ensuite guère attardé: Georges, qui va fêter ses 75 ans en janvier, me semblait un peu fatigué et le ciel était trop menaçant pour l'affronter qui plus est à la nuit tombée.
Je suis reparti avec, dans ma voiture, toutes les archives de la confrérie que, pour rire, nous avions montée, Kicou, Pierre et moi peu de temps avant qu'elle ne prenne sa retraite: une confrérie adoratrice du chou vert, où les intronisations s'accompagnaient d'épreuves "physiques" et "intellectuelles" qui étaient autant de prétextes à rire aux éclats. Toutes ses soirées passées dans la salle voûtée du sous-sol qui s'ouvrait, derrière, sur le jardin! Georges a voulu garder les photos. Je n'en ai pris qu'une où j'apparais, en 96, et où, miracle, je me trouve beau.
J'ai repris à l'envers, vers le nord, cette route que je continuerai jusqu'à la fin à appeler la N86 et qui, pour moi, est jalonnée des noms de mes amis morts: Kicou, Amédé et Paul. Je n'y ai plus personne aujourd'hui. Un seul, à qui je souhaite encore longue vie: ce vieux Georges que j'apprends chaque fois à connaître davantage.
mardi 29 décembre 2009
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1 commentaire:
Belle évocation émouvante que j'ai aimé partager avec toi, et Georges.
J'aime marcher sur la pointe des pieds dans ces notes, légères et douces.
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