mardi 29 décembre 2009

André

André est mort, il y a deux jours. D'un cancer de la moelle osseuse. Après une courte amélioration entre deux séries de séances de chimio. André, c'était un de mes collègues, prof de français au collège. Il était né en 48. On avait fêté son départ à la retraite l'an dernier, pendant l'amélioration. Ce n'était pas un de mes amis mais je l'appréciais pour la qualité et le sérieux de son travail. Sa mort me touche. Peut-être aussi une question de génération commune.

Que dire d'André? Un petit bonhomme à grosses moustaches, toujours tiré à quatre épingles, avec attaché-case et parapluie qui lui donnaient une apparence un peu coincée. Un grand amoureux du sexe féminin qu'il n'hésitait pas à entreprendre malgré le handicap de sa taille et une épouse de longue date. Je me souviens encore de sa façon de faire l'éloge du bustier d'Élisabeth qui, sachant l'existence de cette épouse, n'en revenait pas de son audace.

André aimait paraître, physiquement comme socialement. Il disait connaître très bien Jeanne Moreau et Alain Prost. Pourquoi pas, après tout. Le hic, c'est que moi, je m'en fichais éperdument. Il n'écrivait qu'au stylo plume, ce que j'aimerais en revanche savoir faire. Il avait eu son moment de jalousie lorsque j'étais apparu dans l'équipe de français de sixième/cinquième où il régnait jusque-là en mâle unique. Il essaya un jour de me tester en entreprenant une conversation politique et en me confiant, tout fier, qu'il votait à l'extrême droite (ce dont je ne suis pas certain). Je me souviens encore de sa tête en entendant ma réponse: je lui répartis en effet, avec le ton le plus sacerdotal que je pus trouver que, décidément, chacun devait porter sa croix ici bas. Cet échange n'arrangea pas les affaires entre nous.

Pourtant le calme revint et nous apprîmes à nous respecter faute de réellement nous apprécier. Il nous arriva même d'avoir par la suite des échanges intéressants sur divers sujets littéraires ou artistiques. J'appris même, peu à peu, quelques détails de sa vie privée, de ses goûts en peintures et gravures que j'étais loin d'avoir pressentis.

André, pour moi, c'était un bon prof, un homme cultivé qui attachait de l'importance aux mots, une des dernières personnes au collège à garder une sorte d'aura de dignité,une sorte de noblesse, un des derniers pour qui la politesse était une chose aussi naturelle que manger ou respirer. Je ne sais s'il me manquera. C'est encore un maillon de moins à la chaîne qui me sépare du vide. J'hésitais à écrire ce billet. Je l'ai fait cependant, en cette fin de soirée, pour lui rendre hommage parce que, pour moi, il le valait bien.

1 commentaire:

Lancelot a dit…

"un maillon de moins à la chaîne qui me sépare du vide" : quelle image déprimante.

"Parachutes", "deltaplanes", "planeurs" ?