Lorsque J. m'a proposé de finir notre périple dans le petit village d'Ars-sur-Formans, j'ai eu un instant d'hésitation.
J'ai pensé immédiatement à cette responsable de la catéchèse qui sévit dans notre collège depuis quelques années et qui est en train d'éloigner un à un les élèves de la formation religieuse par son acidité et sa froideur. Cette femme emmène chaque début d'année les élèves de sixième à Ars. Lorsque j'ai voulu savoir pourquoi elle avait choisi ce site un peu marqué aujourd'hui par son séminaire disons traditionnaliste, elle n'a rien trouvé d'autre à me répondre que la proximité avec Lyon. Lorsque j'ai évoqué Tamier ou d'autres sites presque aussi proches et ne présentant pas l'inconvénient précédent, elle s'est mise en colère. On ne peut pas discuter avec elle.
Mais J. ne lui ressemble vraiment pas, Dieu merci, et finalement j'étais assez content de revoir le village où je n'avais pas mis les pieds depuis des dizaines d'années. En cours de route, nous avons croisé, à un giratoire, une voiture remplie de quatre jeunes qui a pris le virage à une telle vitesse que j'ai cru un moment qu'elle allait se renverser, ou les pneus éclater, ou finir dans les champs. Des candidats à la mort, pour s'épater eux-mêmes sans doute, et oublier le A qui ornait leur vitre arrière.
Ars était bien tel que dans mon souvenir: la basilique supérieure, accolée à la vieille église et la crypte souterraine toute de béton brut. A l'accueil une dominicaine, des pèlerins bien sûr mais en quantité supportable, pas de cars entiers déversant leur contenu, des gens de nationalités différentes, recueillis, sincères. Il se dégageait de tout cela une forme vraie de spiritualité.
J'ai retrouvé avec plaisir la maison du saint curé, sa simplicité et sa pauvreté, et j'ai raconté à J. une anecdote de mon enfance: après avoir vu à la télévision un film consacré à Jean-Marie Vianney, où la présence du Grappin (ainsi le curé appelait-il le Malin) transpirait à chaque plan, en particulier dans l'épisode de la charrette bloquée sur le chemin, j'ai couché chez ma tante , dans un Voltaire déplié (je ne devais donc vraiment pas être vieux!), face à une armoire dont le bois travaillait et ne cessait de grincer. Pour moi, le Diable était là et je n'avais pu dormir. Une de mes plus grandes frayeurs enfantines.
Alors que nous étions dans le jardin, nous avons entendu la sirène d'alarme des pompiers. Deux coups: un accident. Nous avons tous les deux pensé à ces quatre jeunes vus peu auparavant dans le bolide sur le giratoire. Leur chemin s'était-il arrêté là, sur le bord de la route, dans cette belle lumière d'automne?
Nous sommes descendus un instant dans la pénombre de la crypte de béton, vide. J'y ai prié, parce que je m'y sentais bien, environné de chants grégoriens.
En remontant à la lumière, nous avons croisé un groupe de scouts accompagnés d'un prêtre en soutane qui se mit à les confesser un à un sur les marches d'accès à la basilique. Cela nous permit, à J. et à moi, de les observer à loisir et même de tirer quelques photos indiscrètes. Mais, en repartant, ce sont les fleurs du bord de la rue que nous avons préférées, ainsi que le regard chaud et insistant du jeune conducteur d'engin sur la place où nous étions garés. Inutiles d'essayer de nous refaire!
La rentrée sur Lyon se fit en échangeant encore. Je vous l'ai déjà dit: avec J., nous ne nous ennuyons jamais! Je l'ai quitté près de chez moi, enfourchant un rouge vélov', et, alors qu'il s'éloignait après un dernier petit signe de la main, je ne l'entendais plus mais j'ai imaginé qu'il sifflotait. Et j'ai fait, moi, de même en hommage à cette belle journée.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
7 commentaires:
Mmmmm, on s'y croirait. Surtout pour la tendresse.
Bises, J.
Heureusement que J. ne ressemble pas à C. !!! Là, j'aurais eu des doutes sur tes fréquentations .... ;-)
Ben oui, J. Ben oui... Je t'embrasse. R.
Va te faire voir, S! :-)))
Tu as prié dans la crypte.
J'ai aimé ta métaphore du puzzle que l'on appréhende pièce par pièce, avec ses connaissances, sans jamais parvenir à le reconstituer tout à fait (dans la note précédente je crois ? je ne sais plus)...
C'est encore plus vrai sur les connaissances par blog interposé j'imagine...
Il y a puzzle et puzzle, Lancelot. Ce n'est pas pour moi sur le même plan.
Je ne cherche pas à avoir l'image complète et définitive. J'aime, au hasard de la vie, découvrir chez l'autre un trait, une anecdote, un moment que je ne connaissais pas. Pour rester dans le domaine de la foi, St Irénée écrivait: "La gloire de Dieu, c'est l'homme vivant!", donc en perpétuel mouvement, en marche, mobile et changeant. Et c'est ce que j'aime chez l'humain: sa capacité à être toujours nouveau.
j aime bcp votre blog merci pour toutes les decouvertes ;O)
Merci et bienvenue, reine du soleil!
Enregistrer un commentaire