(Hier, samedi)
Étrange après-midi dans la cité "lacustre". Je suis un peu anxieux. Je m'y retrouve seul pour la première fois depuis la mort de Pierre. IL y a vécu de nombreuses années en famille, j'ai fréquenté la ville, où habitaient ses parents, deux de ses frères et sœurs. Aujourd'hui, il y a aussi un neveu et une nièce. Je trouve à me garer près du château, en surplomb de la vieille ville. Muriel habite là, dans une des montées. Je suis devant son immeuble. Pas de signe de vie à ses fenêtres. Cela me libère. Je tiens à être seul pour ces retrouvailles. Je suis venu à Annecy des centaines de fois, je n'ai jamais pris une seule photo. Je me sens chez moi et, en même temps, incroyablement étranger, touriste comme un autre, un peu intimidé, comme devant une amie que l'on retrouve après de nombreuses années.
En arrivant au bas de la Côte du Château, je découvre les rues de la vieille ville encombrées de vieilleries de vide-grenier et de badauds persuadés de pouvoir dénicher la bonne affaire. J'aurais peut-être préféré le calme mais j'aime bien aussi cette ambiance de braderie. Flânerie dans ces rues si souvent empruntées avec Pierre, dans une autre vie. J'ai toujours l'impression que je vais rencontrer quelqu'un de connaissance. Je l'espère et je le redoute. A chaque square équipé de jeux d'enfants, je regarde si je n'aperçois pas Léo, jusqu'à ce que je pense que Léo a aujourd'hui onze ans, qu'il ne fréquente plus les bacs à sable et que je suis, décidément, devenu un vieux con.
Mais je ne veux plus de la nostalgie et le hasard, encore une fois, m'aide en ce sens. Après un petit tour des églises de la vieille ville, la Cathédrale, St Maurice et St François de Sales, je prends la direction du lac par le quai au bord du canal du Thiou. Tout au bout, côté lac, le vide-grenier laisse la place à une exposition d'œuvres "artistiques", pour la plupart malheureusement déjà vues des centaines de fois, tape à l'œil ou franchement laides. Et là, au milieu de ce fatras, je vois une statue de bronze, une silhouette de femme arquée, que je reconnais tout de suite.
Je l'ai déjà rencontrée il y a quelques mois à l'Orangerie du parc de la Tête d'Or. J'en avais parlé ici, tant ces œuvres m'avaient plu, en particulier les couples, assis et debout. J'avais pris les coordonnées des auteurs: Natacha et Giovanni, de Attignat-Oncins, près de Pont de Beauvoisin, en Savoie. Et aujourd'hui, contrairement à l'autre fois, un homme est là, devant les œuvres: Giovanni sans doute, grand homme aux cheveux qui commencent à grisonner, occupé à bavarder avec un couple.
J'ai envie de l'aborder, tant je suis content de revoir ces statues comme ça, par hasard, alors que je ne m'y attendais pas. Mais la conversation avec le couple dure. Je note au passage l'accent méridional de Giovanni et je poursuis mon chemin jusqu'au lac, bien décidé à repasser au retour.
Le lac est splendide. J'évite au possible les coins les plus fréquentés. Quelques photos plus tard, je reviens par le parc de l'Hôtel de Ville et, de loin, voit Givanni seul. Vite, le dialogue s'engage. Je lui dis mon admiration pour ce qu'ils font, lui et Natacha, lui précise l'avoir découvert à Lyon, à la Tête d'Or. Et là, surprise, autre hasard encore plus fort, il me regarde et me répond:
" C'est vous qui parlez de nous dans votre blog. Vous y parlez aussi de latex!"
Pas de doute c'est bien moi. J'avais écrit être entré sans l'avoir prémédité, dans la tenue du moment, c'est à dire celle de ma course à pied.
Ainsi combien de hasards sur cette rencontre: celui de venir à Annecy le dernier samedi du mois, jour du vide-grenier, celui de passer par le bon quai, le hasard de reconnaitre la statuette, le hasard du passage des deux artistes sur mon blog. Cela nous met l'un et l'autre de bonne humeur et nous bavardons longuement, du devenir des œuvres que j'avais admirées à Lyon, toutes vendues depuis à l'exception de celle présente aujourd'hui, du prix du Lions Club qu'ils ont gagné, de l'éparpillement de ces œuvres jusqu'à Atlanta, des origines de Giovani, sarde d'Alghero, ville de la côte ouest où je suis allé il y a de nombreuses années avec Pierre, de la langue italienne, de la langue sarde, de sa femme, professeur d'anglais.
Il faut arrêter: mon ticket de parking arrive à expiration. J'ai pris, avec sa permission quelques photos de ces bronzes qui me plaisent tant (permission qui m'avait été refusée à Lyon) et lui ai dit que je reparlerai d'eux dans mon blog. Les photos, en revanche devront attendre mon retour à Lyon.
Alors, je vous le redis, Natacha, que je ne connais pas, et Giovanni, j'aime énormément ce que vous produisez, ce qui s'en dégage, mélange de mouvement aérien et d'encrage dans la terre, de tendresse et de sensualité émanant d'une matière presque brute. J'aimerais vous rencontrer encore, prendre le temps de parler sans contrainte, de vous connaître davantage pour entrer un peu plus dans votre univers artistique. Si vous me lisez, n'hésitez pas à vous manifester dans les commentaires, et, si vous passez par Lyon, faites-le moi savoir, si cela vous convient, naturellement.
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6 commentaires:
Voilà une bien jolie histoire écrite par le hasard comme je les aime.
Vraiment, il n'y a pas de meilleur auteur que le hasard !
Moi aussi, j'aime le hasard. Pas l'imprévu mais le hasard. Je ne peux pas expliquer la différence mais je la ressens.
L'imprévu te prend à la gorge et te détourne de la route que tu t'étais initialement tracée. Le hasard te prend par la main et te fait faire quelques pas en sa compagnie, sur un sentier parallèle au tien.
Lao-Tseu
Non, Confucius
Non, Lancelot
Pas mal, Lancelao-Tseu! Je tâcherai de m'en souvenir.
Encore une histoire qui me touche. Beacoup de nostalgie dans ce récit.
Bises, S.
Merci, S. Et bises aussi, of course.R.
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