mardi 7 octobre 2008

Terreurs.

Je suis très longtemps allé au catéchisme lorsque j'étais enfant. Des années. On a dû m'y inscrire dès que j'ai su à peu près écrire. D'abord ma grand-mère chez qui j'ai vécu jusqu'à l'âge de huit ans, puis mes parents. Pourquoi? Peut-être pour se débarrasser de l'aîné alors que les deux suivants n'avaient que onze mois d'écart. Je ne sais pas.

Je me souviens de la vieille bâtisse où il avait lieu, dont la grande salle du rez-de-chaussée se transformait en chapelle pour la messe du dimanche matin une fois par mois.
L'abbé qui nous l'enseignait était un costaud plutôt sanguin qui nous lançait à la figure des cubes en bois lorsque nous bavardions. Il m'a un jour fait copier des centaines de fois le mot "Eucharistie" que j'avais mal orthographié (je devais avoir sept ou huit ans). Les séances avaient lieu je ne sais plus quel jour, après l'école. L'instituteur nous lâchant pratiquement toujours en retard ce soir-là, nous devions traverser le village en courant et, de toutes façons, essuyer les foudres du clerc en arrivant. J'avais tellement peur de lui qu'un soir où mes intestins m'avaient joué un très vilain tour malodorant, je n'osai pas rentrer directement chez moi et dus attendre pour me changer que la séance soit terminée. A cette époque, on ne badinait pas avec la religion.

De bons souvenirs aussi, tout de même. D'abord, j'ai toujours aimé l'Histoire Sainte. C'est peut-être à travers ces récits (et ceux de mon instituteur nous lisant Cooper) que mon imaginaire s'est le plus développé. J'étais un petit garçon solitaire vivant dans un monde de personnes âgées et résolu à ne faire de peine à personne. Enfermé en moi-même, je rêvais tantôt de grands espaces, tantôt des déserts de Palestine.
Un autre bon souvenir que je revois encore face à moi: un tableau de papier qui réapparaissait une fois par an et où nous devions, aux endroits indiqués préalablement, coller de petites images achetées (?) par nos économies. Une fois le tableau totalement rempli, l'argent récolté était envoyé pour une "bonne œuvre". Le modus operandi reste flou pour moi aujourd'hui; seuls le tableau et les images qui me faisaient rêver (comme celles trouvées dans les tablettes de chocolat) sont restés dans ma mémoire. Sans doute ce souvenir est-il lié aux périodes de l'Avent.

En hiver, lorsque nous sortions de la salle, il faisait déjà nuit. Le village était éclairé par quelques lampadaires, que j'ai toujours entendu appeler des "becs de gaz" et que, si je ne me retiens pas, j'appelle encore ainsi aujourd'hui. Moi, j'habitais à l'extérieur. Il me fallait seul parcourir dans le noir, au milieu des prés et des installations minières, un bon kilomètre où je tremblais à chaque souffle de vent dans les branches, à chaque bruissement d'animaux dans les fourrés épineux qui bordaient la route.

Une fois, une seule, l'abbé m'emmena avec lui en moto. Une des plus grande peur de ma vie. Alors qu'il aurait fallu me pencher avec lui dans les virages, je faisais tout pour résister à la pente et faillis ainsi nous faire chuter tous les deux. Heureusement, comme je le dis à ma mère en arrivant, je m'étais accroché à sa "soupape", erreur de mots (pour soutane) qui fit longtemps rire aux éclats dans ma famille.

Une autre fois, ce fut mon père qui prit pitié. Il fit le chemin à ma rencontre et s'installa pour m'attendre contre le garage du marchand de poissons, s'abritant ainsi du fort vent qui soufflait ce soir-là.

J'avais un ami d'enfance, Yvon, dont j'ai beaucoup parlé au début de Potomac. Nous avions l'habitude de marcher ensemble dans les rues, de nous accompagner sur le chemin de l'un, pour rebrousser sur le chemin de l'autre, multipliant par dix le temps nécessaire au trajet simple. Nous en avions tant, d'histoires, à nous raconter! Ce soir-là, bien sûr, nous étions ensemble. Lorsqu'il nous vit s'approcher, mon père, pour ne pas nous effrayer, sortit du recoin où il s'était abrité afin que nous le repérions facilement.

Terrible erreur. Moi, au lieu de mon père, je vis surgir du noir un personnage inconnu, grand et effrayant sous sa longue barbe blanche en bataille (mon père n'avait pourtant pas de barbe!). Quant à Yvon, je ne sais pas ce qu'il vit car nous prîmes tous les deux nos jambes à notre cou, jusque chez lui pour mon héroïque compagnon, jusque chez le cafetier encore ouvert à cette heure-là pour moi. Il fallut que mon père vienne m'y chercher pour que j'accepte de ressortir. Cet épisode constitue aussi, avec la "soupape" du curé, un des meilleurs épisodes sur mon compte de la saga familiale.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

On en fait plus des enfants comme ça !

Patrick a dit…

Et des abbés comme ça ?

Calyste a dit…

Heureusement!

Anonyme a dit…

J'ai l'impression de relire Hector Malot..... Brrrr !!

Calyste a dit…

Lancelot, il ne te reste plus qu'à lire le billet suivant pour compléter le tableau!