Le professeur entre dans la salle, un paquet de photocopies sous le bras. Les élèves sont déjà installés, tables séparées: ce matin, c'est version latine. Il se dirige vers son bureau, lentement se défait de sa veste de velours noire qu'il accroche au porte-manteaux qui lui est destiné, jette un coup d'œil rapide sur l'horizon où ne perce pas encore les boucles de l'aurore: pas de photos donc aujourd'hui.
Puis solennellement, il permet d'un geste de la main à ces adolescents de s'asseoir, reste, lui, debout, les bras tendus appuyés sur le bois du bureau, la mine sévère et triste:
- Mes enfants, je dois vous annoncer une mauvaise nouvelle. Je ne voulais pas vous en parler mais les circonstances m'y obligent. De toute façon, vous l'auriez appris en lisant cette feuille imprimée que je tiens et que je vais distribuer à chacun. Voilà: Cicéron est mort!
Alors, du fond de la salle, une douce voix de fille, l'une des meilleures de la classe, se fait entendre:
- C'est terrible, Monsieur! Je suis tellement bouleversée que je ne vais sans doute pas pouvoir faire cette traduction!
J'aime quand les élèves ont de la répartie et qu'ils sont drôles. C'était ce matin, à 8h, dans ma salle. Il y a eu un grand éclat de rires puis le silence, comme chaque fois. A les voir penchés sur leur travail, concentrés, attentifs, j'en ai déduit que, malgré tout, Cicéron n'était pas tout à fait mort.
jeudi 17 décembre 2009
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10 commentaires:
Quand j'ai lu ton titre je me suis dit: mince, j'ai pas écouté les infos aujourd'hui .
Je me suis fait bien eue !
moi aussi je me suis fait eu !
Le professeur a de l'humour mais, dieu, il en faut pour faire passer la traduction latine !
J'ai aussi cru que j'avais loupé un truc dans l'actualité.
Si c'est rond, c'est pas carré ! (je sais, c'est nul, je vais me cacher).
Cornus > Version originale, paternelle et politiquement antédiluvienne, si Cicéron c'est Poincaré.
Exact KarregWenn, je me disais bien qu'il y avait un truc qui ne tournait pas rond. C'est à cause de notre médecin ça (pourquoi je dis ça ? Ne surtout pas chercher à comprendre, j'ai juste une roue voilée).
C'était un peu fait pour, chers amis de Bretagne et d'ailleurs.
Pas d'accord avec toi, Nicolas: moi, enfant, j'adorais la version latine (pas le thème, surtout pas) et il y en a encore qui s'y adonne avec plaisir!
Tu leur as donné du Cicéron à traduire....? Ils ont dû lui souhaiter pire que la mort...
Mon Dieu, le 'De signis'... Mon Dieu... Je me réveille encore baigné de sueur et hurlant, la nuit, quand j'en rêve...
(oui oui je sais, je te l'avais déjà dit... Mais, vois-tu, ça fait partie d'un processus sans fin d'exorcisme, pour moi... Virgile, Salluste, Tite-Live, Apulée, Petrone, oui bien sûr... mais Ciceron... plutôt ouvrir le gaz...)
M'enfin, Lancelot! Où as-tu la tête? Comment leur donner un texte sur la mort de Cicéron écrit par Cicéron lui-même? Fortiche, le Marcus Tullius! Ceci dit, je partage ton avis: je n'ai jamais aimé la prose de cet homme, non qu'elle soit trop difficile à traduire mais parce qu'elle m'ennuie.
Je vois que tu n'as pas interrompu ton régime sans celte, c'est bien, mais surveille les PSA!
Pr. L. Schwartzenberg
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