Syngué sabour, en perse, ça veut dire Pierre de patience. Je viens de terminer ce roman de Atiq Rahimi, dont j'avais entendu dire le plus grand bien et dont le titre me faisait rêver.
C'est effectivement un livre à lire. Principalement pour son thème: une femme musulmane, dans un pays confronté à la guerre et à l'intégrisme religieux, reste, dans une ville dévastée, au chevet de son mari tétraplégique et muet. Pour les autres, il est un combattant de la guerre sainte. Pour elle, il est celui qu'elle a attendu trois ans après son mariage pour le connaître, celui qui n'a jamais su lui faire l'amour, celui qui cristallise toutes les rancœurs et les déceptions de cette femme, celui qui représente l'homme dans ce qu'il a de détestable.
Alors, sans l'avoir voulu au préalable, elle décide de se venger, de raconter à celui qui ne peut plus qu'écouter (et encore n'en est-elle pas sûre vraiment) tout ce qu'elle a souffert, tous ses désirs refoulés, tout ce qui lui vaudrait la mort si le mari retrouvait les mouvements. La pierre de patience, c'est celle à qui l'on confie tout, sur laquelle on se décharge de tout, qui finit par exploser en libérant celui qui s'est confié à elle.
Thème intéressant donc. Style un peu moins, à mon goût. On ne saurait lui reprocher les répétitions de scènes identiques puisque c'est la vie même de cette femme, coincée dans l'accomplissement de rites immuables face à celui que son devoir lui dit de soigner. Mais l'écriture ne me plaît guère: style rapide, phrases courtes, espacement de la mise en page, emploi du présent, dépouillement systématique. Cela ressemble trop à une volonté de faire moderne, de suggérer plutôt que de dire, ce qui, en soi, n'est pas détestable si la suggestion est à la hauteur nécessaire.
En résumé, j'ai lu ce livre assez vite, non parce qu'il me plaisait profondément mais parce que peu de choses m'y ont réellement arrêté.
"Maintenant, je comprends enfin ce que disait ton père à propos d'une pierre sacrée. C'était vers la fin de sa vie. Toi, tu étais absent, reparti une fois de plus à la guerre. (...) IL était obsédé par une pierre magique. Une pierre noire. Il en parlait sans cesse (...): Tu sais, cette pierre que tu poses devant toi, devant laquelle tu te lamentes sur tous tes malheurs, toutes tes souffrances, toutes tes douleurs, toutes tes misères... à qui tu confies tout ce que tu as sur le coeur et que tu n'ose pas révéler aux autres (...). Tu lui parles, tu lui parles. Et la pierre t'écoute, éponge tous tes mots, tes secrets, jusqu'à ce qu'un beau jour elle éclate. Elle tombe en miettes (...). ET ce jour-là, tu es délivré de toutes tes souffrances, de toutes tes peines..."
(Atiq Rahimi, Syngué sabour, Pierre de patience, POL)
vendredi 24 juillet 2009
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4 commentaires:
La pierre magique en question, par son principe, rappelle un peu, (évidemment) le blog.
Mais, la conclusion me laisse très dubitatif. S'il suffisait d'avoir tout raconté, de ses mots et de ses secrets et de ses joies et de ses tourments intimes, pour être délivré de toutes ses souffrances et de toutes ses peines...! Ce serait trop simple ! Il s'agit là d'un vivier inépuisable, qui se renouvelle sans cesse ! A peine a-t-on finit de décrire et de raconter un chagrin qu'un autre surgit, en attendant que le premier renaisse sous une forme différente.... Dix mille pierres, ou blogs, n'y suffiraient pas.
La seule échappatoire, c'est le mouvement, perpétuel, qui permet momentanément d'oublier et de s'échapper. Un peu. Ecrire, parler. Créer. Essayer.
L'écriture a tout de même de grandes vertus catharsiques, en tout cas pour moi, Lancelot. Elle m'a permis justement de continuer à bouger (bon, d accord: avec un gros problème de sciatique!).
Ah mais justement : (je me suis peut-être mal exprimé) : pour moi, le processus de l'écriture en général, et du blog en particulier, EST mouvement. Que cela ait valeur de catharsis, ça me paraît incontestable. Mais là où je ne suis plus d'accord, ce serait de penser qu'une fois que tu as tout écrit, confié, déversé, tu puisses fermer le blog et être sauvé. (C'est ce que laisse sous-entendre la légende des fameuses pierres magiques). Et là, je suis sûr que non. Marcherait pas !
Alors on est d'accord. Encore une fois!
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