lundi 27 juillet 2009

Poussière

J'ai dépoussiéré hier la photo de Pierre sur mon bureau. Elle y est toujours, souvent masquée par un fatras innommable de choses accumulées: trousseaux de clés, programme de réjouissances passées ou à venir, dossiers urgents en instance d'être réglés, petits pense-bête oubliés là, romans terminés que je n'ai pas encore résumés, boîte de chewing-gums, coupons de réduction d'une grande surface, appareil photos, portefeuille, agenda, trousse,....

Pierre a toujours le sourire, assis dans le jardin du Bois D'Oingt, au printemps 2004. Un an à vivre, c'est tout. Il ne le sait pas, moi non plus qui prends la photo, une des dernières en argentique, comme si le monde, après, changeait définitivement. Nous croyons encore tous les deux qu'il va s'en sortir. Ou bien le généraliste m'a-t-il déjà assommé de son annonce de Cassandre? Je ne sais plus aujourd'hui. Si, je sais que oui. Le sourire est tendre mais l'œil est apeuré. La maigreur du bras posé sur le ventre contraste avec le gonflement de celui-ci sous la chemisette blanche. Nous avions la même. J'en ai deux aujourd'hui.

Pierre a pris la poussière sous le verre du cadre jaune. Je l'ai essuyé du revers de la manche. Je n'en ai pas éprouvé de mauvaise conscience. Il faut que Pierre prenne la poussière. Les seuls étés à Lyon étaient ceux de sa maladie. La lavande grandit sur la tombe. J'y passe moins souvent. Je m'y frotte les mains, quand j'y vais, pour en garder l'odeur.

Ce matin, je l'ai entendu, voix claire dans la cour: "Bonjour, maman. Comment ça va? Est-ce que tu as bien dormi?" Il était huit heures et quart. Le jour commençait. Poussière de temps.

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