vendredi 3 juillet 2009

Pourquoi j'aime les queues

Entendons par là les files d'attente, au risque d'en décevoir certains que la chaleur de ce titre attireraient comme la lumière les insectes nocturnes.

Ce matin, au lieu de réserver mon billet pour Guéret par Internet, je suis allé à la gare de la Part-Dieu. Un vendredi 3 juillet! Cela tient de l'inconscience ou de la débilité déjà profonde! Eh bien non, pas pour moi. D'abord, et j'en ai été le premier surpris, je n'ai eu qu'à peine vingt minutes à attendre mon tour. Si la file d'attente était assez conséquente (mais j'en ai vu de pires), les guichets ouverts étaient exceptionnellement nombreux et les transactions assez rapides. Ensuite, c'est de propos délibéré que j'y suis allé. Alors pourquoi?

Parce que j'aime les queues! Je n'ai aucune autre occasion dans ma vie quotidienne de me confronter un peu avec l'humanité réelle, celle qui ne connaît pas mes facilités et n'aura jamais mes privilèges, aussi inconsistants soient-ils au regard d'autres, scandaleusement gonflés. J'ai la chance d'avoir près de chez moi des tas de commerces, dont des moyennes surfaces, et je m'arrange en général pour y aller faire mes courses au moment où je les sais presque désertes.

D'autre part, la foule d'une queue présente des avantages par rapport à celle, mouvante, d'un rassemblement festif ou contestataire: cette foule qui attend, résignée la plupart du temps, son tour est immobile ou presque, donc facilement étudiable et, à défaut de pouvoir les photographier sous le nez, j'aime ausculter ces visages populaires si parlants, si bavards sur leur niveau d'éducation, sur leurs conditions de vie. Dans ces files, je me sens toujours au milieu de mes semblables, même si je n'en apprécie pas toujours le niveau sonore ou les effluves corporelles.

Ce matin, j'ai failli pouvoir prendre en photo un magnifique mollet bronzé et tatoué mais son propriétaire a quitté le guichet juste au moment où j'appuyais sur le bouton. Il m'a vu et, devant son regard interrogatif, j'ai fait semblant de photographier un élément du décor. Je me suis plus tard rabattu sur une souris blanche et l'épaule qui la portait, en me faisant le plus discret possible. Malheur, j'avais oublié de couper le flash! Mais les gens sont tellement perdus dans leurs pensées que personne n'a rien remarqué.

Bien sûr parfois, si l'attente est interminable, si la chaleur est insupportable, si l'atmosphère est électrique, le plaisir est rapidement gâché. Ce matin, c'était parfait: une queue comme je les aime, ni trop longue ni trop courte, dynamique mais pas hystérique, sans odeur désagréable, tendant lentement mais sûrement vers son but: désenfler et s'éteindre après la satisfaction générale.

Précision importante pour ceux qui ne le savent pas: il est, aux dires des vigiles qui sillonnent les lieux, interdit de photographier dans les gares françaises. Si l'on peut m'expliquer pourquoi...

7 commentaires:

Olivier Autissier a dit…

Parce qu'elles sont la propriété de la SNCF et que son règlement stipule qu'il faut une autorisation pour filmer ou photographier.
C'est la même chose dans les grandes enseignes des cinémas.
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Ton récit à son début me rappelait ses rois qui, camouflés, allaient se confronter au peuple, comme une expérience inédite à vivre.

Calyste a dit…

Ça ne m'explique pas pour autant pourquoi, Olivier. La SNCF est un bien national, non? Quel mal y a-t-il à photographier? Ce n'est tout de même pas le secret défense!

Comme quelqu'un qui s'encanaille, tu veux dire? Je n'ai vraiment pas voulu dire cela et, en plus, tu le sais bien!

Olivier Autissier a dit…

Je sais bien que tu n'as pas voulu dire ça. Mais ça m'y a fait penser quand même.

Lancelot a dit…

Un autre avantage des queues (le meilleur selon moi) c'est que si les gens qui attendent sont à plusieurs ensemble, tu peux écouter leurs conversations. C'est une chose que j'adore faire lorsque je suis seul. Aux terrasses des cafés ou au restaurant, aussi. Merveilleusemen distrayant. Christophe, Fiso, sont très forts pour faire des notes sur cela.

Une queue qui "désenfle et s'éteint après la sattisfaction générale" : EUH ! La métaphore est un peu exagérée là, non ?

Le titre était parfait, délicieusement accrocheur (mais QUE FOUT Piergil à la fin ?? zut !!!)

Calyste a dit…

Mais oui, enfin, que fait Piergil?

D. Hasselmann a dit…

Si l'on lisait et suivait tous les règlements, connus ou cachés, on ne ferait plus jamais aucune photo nulle part.

J'ai pris bon nombre de photos dans des gares et j'ai encore réalisé il y a un ou deux mois une mini-vidéo à la gare de l'Est ("Roulettes it be"), j'attends toujours une assignation en référé du PDG de la SNCF, "propriétaire" des lieux !

Il est vrai que la voie - ferrée - vers la privatisation de ce service public est en route et qu'alors on pourra voir fleurir des affiches comme dans les musées (pour l'instant, les voyageurs qui partent, se quittent ou arrivent jouent du flash inconsciemment), interdisant au quidam de prendre des photos, des vidéos, des enregistrements, et aussi des dessins ?

Il sera également interdit de s'embrasser sur le quai : ça pourrait perturber un conducteur de locomotive.

Calyste a dit…

Je ne suis également que peu attentif aux règlements de ce genre, Dominique. L'interdit m'a toujours stimulé, au contraire.