Des nouvelles, écrites par une femme. Deux raisons suffisantes pour que ce livre ne me tente pas. Je n'aime que modérément ce genre littéraire et l'écriture féminine m'a parfois rebuté par le passé, même si je note un certain nombre d'exceptions à cette dernière allégation (Yourcenar par exemple).
Mais lorsque l'écrivain est Yoko Ogawa, je suis prêt à de nombreuses concessions, et j'ai bien fait de les faire.
Tristes Revanches regroupent onze nouvelles de cette japonaise dont j'ai déjà lu tant de romans. Au lieu de rassembler en un ouvrage des textes qui n'ont aucun rapport les uns avec les autres, elle a eu l'idée intéressante de relier chacun de ces textes avec chacun des autres par un détail, un personnage, un lieu déjà aperçus ailleurs. Ainsi avons-nous l'impression de nous mouvoir dans un espace resserré, aussi bien géographique que psychologique, et pouvons-nous, au delà même des ponts installés par l'auteur, en imaginer d'autres selon notre propre fantaisie.
Si nous entrons dans la perversité légère (et quel délice que cette perversité!) de Ogawa, nous sommes totalement chez nous et libres de finir comme bon nous semble certaines de ces nouvelles qui peuvent sembler inachevées: par exemple, dans La vieille Femme J, que sont devenues les deux mains disparues (même si le texte nous propose sans en avoir l'air une réponse sidérante à cette question)? Quelle est l'importance des tomates qui s'échappent du camion accidenté sur le pont dans Les derniers Instants du tigre du Bengale?
Ogawa a, comme d'habitude, ici l'art de nous faire effleurer l'horreur en nous évitant le mouvement de recul, parce que ses personnages sont totalement à l'aise dans cette horreur, qu'elle fait partie d'eux-mêmes au titre de quotidienneté, de banalité à peine digne d'être mentionnée. Le style se calque sur cette quotidienneté, sans jamais pourtant tomber dans le parler, le laisser-aller oral. Il coule avec une grande simplicité et une belle limpidité, pour lesquelles il faut sans doute aussi remercier la traductrice, toujours la même, chez Actes Sud: Rose-Marie Makino-Fayolle.
La vieille femme se tourna vers la place, passa les doigts dans ses cheveux frisottés. Chaque fois qu'elle remuait, elle dégageait une odeur bizarre. Un vague mélange d'herbes médicinales et de fruits trop mûrs, mêlé au plastique de son tablier. Ça ressemblait aussi à l'odeur humide s'échappant de la petite serre où mon père cultivait autrefois ses orchidées (...)
- C'est bien qu'il y ait des fraisiers à la crème... Je désignais la vitrine réfrigérée. En plus, ce sont des vrais. de véritables short-cakes, sans gélatine ni fruits bizarres, ni personnages décoratifs, de la crème et des fraises, c'est tout.
- Oui, vous avez raison. Je vous les garantis. C'est la meilleur gâteau de la boutique (...)
- C'est pour mon fils. Aujourd'hui, c'est son anniversaire.
- Ah bon? Toutes mes félicitations. Et votre fils a quel âge?
- Six ans. Il aura toujours six ans. Il est mort.
( Trad. de Rose-Marie Makino-Fayolle)
jeudi 30 juillet 2009
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