Enfin des lectures qui m'ont plu et dont je tiens à rendre compte, la première aujourd'hui, l'autre dans quelques jours, pour ne pas lasser.
Vous connaissez ma passion pour la littérature japonaise et pour Yoko Ogawa en particulier. J'aime son style bref et incisif, simple mais précis et l'originalité des thèmes qu'elle aborde.
Dans son roman La Formule préférée du professeur que je viens de terminer, elle se surpasse sur ce dernier point. Un mathématicien âgé dont la carrière très prometteuse a été brisée par un accident de voiture a à son service une aide-ménagère envoyée par une association qui lui en a déjà fourni une dizaine précédemment. Toutes ont été renvoyées. Celle-ci va étudier son employeur et composer avec son handicap majeur: une mémoire qui ne dure pas au-delà de quatre-vingts minutes. Elle va aussi lui présenter son fils de dix ans avec qui il nouera une relation privilégiée d'amitié intense, à base de passion pour le base-ball et surtout de dévotion pour les chiffres et leurs mystères.
Autant le dire tout de suite: je pouvais me passer aisément du versant base-ball. Heureusement quelques pages seulement y sont réellement consacrées, que j'ai lues un peu en diagonale. Mais pour tout le reste, c'est du plaisir à l'état pur. La relation qui s'installe entre ces trois êtres à part, comme les nombres premiers dont il est tant question, le passage toujours subtil du récit au plaisir des chiffres et de leur manipulation, - bien sûr, il faut aimer comme moi les maths et surtout les chiffres pour apprécier pleinement - , la lente progression vers une fin attendue mais pas triste, l'absence totale d'aspect morbide ou pervers dans ces pages en font un véritable régal pour l'esprit. C'est un des rares livres où l'on se sent plus intelligent en le lisant.
- Plus les nombres deviennent grands, plus les nombres premiers sont espacés, si bien que c'est de plus en plus difficile de trouver des nombres premiers jumeaux. On ne sait toujours pas si, de la même manière qu'il y a une infinité de nombres premiers, il existe une infinité de nombres premiers jumeaux, dit le professeur en entourant d'un cercle les nombres premiers jumeaux.
Une autre merveille de l'enseignement du professeur était l'utilisation généreuse qu'il faisait de l'expression ne pas savoir. Ne pas savoir n'était pas honteux, car cela permettait d'aller dans une autre direction à la recherche de la vérité. Et pour lui, enseigner la réalité qu'il y avait là des possibilités intactes était presque aussi important que d'enseigner des théorèmes déjà démontrés.
Yoko Ogawa, La Formule préférée du professeur.
(Trad. de Rose-Marie Makino-Fayolle.)
mardi 28 octobre 2008
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2 commentaires:
J'attendais votre compte rendu. C'est le premier livre que j'ai lu de cet auteur que j'ai découvert sur votre blog. J'ai beaucoup aimé la relation de Root avec son professeur. J'ai quand même un peu "calé" sur les logarithmes et la transformation en nombre arbitraire (je ne suis pas certaine d'avoir tout compris). Mais la tendresse qui se tisse entre les personnages m'a beaucoup touchée. Et la mémoire de quatre-vingts minutes de ce professeur, l'obligeant à se promener recouvert de petits billets, m'a semblé au début du récit catastrophique, alors que finalement, il reste très serein. Je vous embrasse. Bonne nuit Calyste.
Merci, Anna, même avec un peu de retard.
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