Des nouvelles de l'atelier d'écriture du lundi.
Il existe toujours, bien sûr, mais il est en train d'évoluer. Après les petits textes sur thèmes plus ou moins imposés où les élèves, la plupart du temps en le cachant bien, piochaient dans leur vie privée, nous devions aborder un type d'écriture plus journalistique, avec enquêtes et interviews dans le collège.
Or j'ai supprimé cette étape, la trouvant trop éloignée, sur le fond comme sur la forme, de la précédente et de celle qui devait suivre. De plus, le temps risquait de manquer jusqu'à la fin de l'année scolaire.
Je suis donc passé directement à mon troisième projet, à savoir la rédaction par groupes de deux d'un écrit de fiction un peu plus long: une nouvelle policière.
J'ai réalisé ce projet dans un autre cadre pendant plusieurs années et tout s'est finalement toujours bien passé.
Il s'agit pour les enfants, dans un premier temps, de lire trois ou quatre nouvelles de Conan Doyle mettant en scène Sherlock Holmes, tout en menant des recherches aussi bien sur l'auteur que sur les personnages principaux ou récurrents: le célèbre détective bien sûr, mais aussi Watson, Mme Hudson, l'inspecteur Lestrade et Moriarty, le "Napoléon du crime".
Pendant leur lecture, ou lors d'une relecture plus rapide quand ils en sont capables, ils glanent des renseignements sur le physique, les goûts, les manies, les défauts et les qualités de tous ces personnages. Ils tachent aussi de dégager la structure de la nouvelle, assez commune à toutes d'ailleurs, et les scènes-types.
Une fois tout ceci bien en tête, le plus difficile reste à faire: inventer une énigme et me la présenter, puis que je l'accepte, ce qui est loin d'être évident. Qui a tué (volé, kidnappé,...)? Pourquoi? Comment? Sur quelle fausse piste peut-on lancer le limier britannique? Comment parvient-il à faire sortir la vérité de ses ténèbres? Je dois tout savoir et approuver avant de donner mon Nihil Obstat.
Il est curieux de constater comme les enfants se comportent parfois, souvent, comme de jeunes animaux, ceci dit sans aucun jugement défavorable bien entendu. Un cheval que l'on dresse au saut va, devant l'obstacle, refuser de le franchir plusieurs fois, par crainte, par doute de ses capacités. Puis, devant la ténacité du maître qui le repositionnera chaque fois face à la difficulté, l'animal finira par se lancer. Eh bien, l'enfant, c'est pareil. Il s'estime d'abord incapable de produire un tel effort, d'autant que plus rien, ou si peu, ne le rattache à son propre vécu. Lorsque je leur montre ce qu'ont produit leurs prédécesseurs, ils me disent que ceux-là devaient être d'excellents élèves, des "fortiches", des "intellos", mais qu'eux, non, ils ne pourront pas.
Nous en sommes là: les tandems renâclent, se bloquent, refusent de travailler, se réfugient dans les fous-rires propres à leur âge, bref: régressent. Je laisse faire, un peu, mais je ne lâche pas de vue la ligne de mire. Déjà un groupe est passée aujourd'hui à l'écriture proprement dite: celle de la première scène qui voit en général Holmes et Watson confortablement installés dans le salon du 221b Baker Street, en train de lire leurs journaux tout en fumant la pipe lorsque Mme Hudson vient déranger cette harmonie du soir en annonçant l'arrivée d'un ou d'une inconnue dont le récit fera démarrer l'histoire.
Et je sais d'expérience que dans un mois au plus, il faudra pousser les élèves dehors à la fin de l'heure et les houspiller pour qu'ils sortent de la fiction qu'ils sont en train de vivre.
Ensuite viendra le temps de la création de l'objet fini, avec texte tapé à l'ordinateur, couverture et titre savamment sélectionnés, reliure impeccable.
Objet que la plupart regarderont comme s'il venaient de mettre au monde leur premier enfant.
D'ailleurs, n'est-ce pas un peu le cas?
Partageant beaucoup de choses avec mes élèves, je leur ai donc emprunté quelques petits microbes grippaux qu'ils promenaient avec eux dans les couloirs et les salles de classes. La greffe a très bien pris ce soir apparemment. Aussi vais-je sans doute arrêter là pour aujourd'hui ma si précieuse contribution à la littérature contemporaine, et me tourner plutôt vers les tisanes et pots de miel!!!
lundi 4 février 2008
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
3 commentaires:
Tisanes et pots de miel : à quoi en sommes-nous tous rendus ?! ;-)
Mon "Nihil Obstat" : je souris. Je croyais qu'on utilisait cette expression seulement dans le clergé, entre prêtres, entre évêques ...
Toujours autant de plaisir à vous lire ; et bien sûr un brin de nostalgie quand je pense aux professeurs comme vous que je n'ai pas connus. Et encore beaucoup de fureur quand je me souviens de celui qui m'avait collé une punition parce que j'avais dit "il fait frisquet" ; il paraît que c'était argot.
Merci, Anna, mais j'ai, comme tout le monde, de gros défauts aussi. Il faudra que j'en parle un jour.
J'aime dépoussiérer de vieux mots, pour les empêcher de mourir totalement. Si en plus, j'obtiens votre Imprimatur!
Pour la sanction reçue, consolez-vous en pensant qu'il existe, chez les professeurs comme chez les autres, des gens pratiquement totalement incultes.L'ennui, c'est que pour eux, ce n'est pas pardonnable.
Je lis toujours avec plaisir vos commentaires comme venant d'une voix amie. Merci.
Enregistrer un commentaire