vendredi 11 novembre 2016

Ma cuite avec Leonard

J'avais vingt ans. Yvon était venu me rejoindre à la cité universitaire. Nous avions picolé en refaisant le monde : du pastis, en souvenir de nos origines, et du whisky, parce que ça faisait bien. Et puis la chambre nous avait paru trop petite. La nuit lyonnaise nous attendait. Marcher des heures ne nous faisait pas peur, puisque nous n'avions guère d'argent. Nous avions sûrement évoqué sa sœur, Suzanne, notre grande sœur qui comprenait tout. Et nous chantions Leonard Cohen, à tue-tête, et en français.

Mais cette tête me tourna bien vite : le mélange explosif agissait. Une de mes premières cuites ! Devant le Théâtre du Huitième, un premier haut-le-cœur, suivi de tout ce que j'avais ingurgité. Une impression de cracher du pétrole qui me dégoûta à tout jamais du whisky (mais pas du pastis). Et puis nous avions repris notre chemin, et la chanson. Je ne me rappelle rien d'autre de cette nuit-là mais c'est à ça que j'ai pensé quand j'ai appris la mort de Cohen. A la tienne, Leonard !


8 commentaires:

plumequivole a dit…

Joli, très joli.
Comme quoi on peut être triste et avoir de joyeux souvenirs...
C'est bizarre mais moi aussi j'ai quelques retours de mémoire plutôt carabinés avec Léonard, qu'il en soit remercié.

Cornus a dit…

Eh ben dis donc... Dire que je passe aux yeux de certains comme un buveur, mais je pense pouvoir dire que je n'ai jamais pris de cuite de ma vie. Avoir véritablement mal aux cheveux le lendemain, ça oui, deux ou trois fois. Bon, en même temps, c'est ma physiologie personnelle je pense qui veut ça.

karagar a dit…

Cornus> Si ça peut te rassurer, je n'ai jamais été cuité de ma vie non plus, ni vraiment de mal aux cheveux. Je crois que la fois où j'ai le plus bu de ma vie, c'était ton mariage !! Ni saoul, ni malade pourtant.
Et qu'on n'y voie pas une marque de sagesse, les états de conscience modifiés me terrorisent. Ce qui ma toujours éloigné de quelque forme de drogue que ce soit (hors tabac) mais à cela j'avais d'autres bonnes raisons que tout le monde connaît.

karagar a dit…

Bon, je raconte tout ça car je n'ai aucun souvenir lié à Cohen...

plumequivole a dit…

Cornus & Karagar > Loin de moi l'idée de jouer aux vieux/vieilles qui ont tout vu, tout fait, mais je crois que l'époque où nous avons vécu notre jeunesse Calyste et moi n'est pas étrangère à ce genre de souvenir. Pour rester dans le sujet Cohen, et même si beaucoup de "jeunes" voire très jeunes (30/40) le connaissent et l'aiment, il n'y a sans doute pas la même adéquation entre sa musique/textes et l'esprit d'aujourd'hui que ce qu'il y avait dans l'air du temps des années 60/70. Encore que, aujourd'hui précisément...
Et pour le reste, cuite et autres, sujet complexe !

Cornus a dit…

Karagar> Je savais déjà quelle était ton attitude par rapport à la boisson et à l'alcool et à ses effets sur les "états de conscience". D'ailleurs, je ne l'ai pas dit, mais moi aussi, je n'aime pas perdre pied, sans être toutefois spécialement terrorisé par la chose. Je dois dire que j'ai la chance d'avoir une sorte d’interrupteur physiologique qui m'empêche de dépasser une certaine consommation, dont la survenue de maux de tête n'est qu'un des aspects (maux de tête qui n'ont rien à voir avec ce que certains attribuent au vin blanc). Toutefois, je reste étonné par rapport à notre mariage, car nous avions finalement peu bu (enfin je parle de moi, d'autant plus que je n'avais pas installé de débitmètre dans ton verre).
J'ai aussi dit ça en réalité pour dire qu'on n'est pas obligé de prendre des cuites ni d'être malade à cause de l'alccol pour avoir vécu, comme certains (pas sur ces pages, bien sûr) se plaisent un peu à le faire croire.

Cornus a dit…

Plume> Je constate que je suis encore dans la catégorie des "40", donc je fais partie des "jeunes", même si personnellement, ces derniers temps, j'ai de légers doutes.

Calyste a dit…

A tous : pour Cohen, j'adhère totalement à ce que dit Plume.

- Pour la cuite, j'ai dû en prendre deux ou trois dans ma vie, et cela avant mes 25 ans. Comme Karagar, je déteste les "états de conscience modifiés" et j'ai pour cela un excellent antidote : à un certain stade, mon corps refuse de garder ce qu'il a ingéré. Dans ces moments-là, chez moi, l'esprit et le corps sont entièrement d'accord.