Au sujet des rustres des villes

Le bruit de la perforeuse, de la visseuse, de la scie sauteuse a résonné une bonne partie de la journée à l'étage en dessous. Mais comment se plaindre: ce sont des gens charmants. Pourtant, globalement, je trouve que les habitudes de bon voisinage se perdent depuis un an ou deux. Si la convivialité règne toujours dans notre immeuble (je sais par exemple que ces voisins du dessous ne se permettraient de faire du bruit trop tard le soir ou trop tôt le matin), il n'en est pas de même avec les autres allées qui partagent la même cour intérieure que nous.

J'ai déjà parlé d'un altercation avec une mère bobo hargneuse et défendant mordicus son débilou de fils qui n'avait de cesse de taper dans un ballon au risque de tout casser alentour. Cet Attila a disparu pour l'instant, remplacé par quatre charmantes petites filles bien propres sur elles, à la voix hyperaigüe et aux mouvements incessants en vélos ou trottinettes. Leur dernière invention: aller déterrer les pierres qui bordaient la minuscule partie jardin pour les installer au milieu de la cour en vue d'un jeu dont je n'ai pas parfaitement compris les règles. Bien sûr, le soir venu, les pierres sont restées où elles les avaient posées, au milieu du passage, et leurs parents si distingués verraient sans doute d'un très sale œil que ces vieux cons de l'immeuble du milieu leur fassent remarquer leur sans-gêne pourtant remarquable. C'est la dame qui sort les poubelles qui a dû les remettre en place (les pierres, pas les parents!).

Nous avions signalé à la régie cette invasion de profanateurs en culottes courtes ou jupettes légères. Elle avait promis d'intervenir. Ce qu'elle a fait en affichant une annonce dans NOTRE immeuble, nous demandant de bien vouloir surveiller NOS enfants! Encore une fois, ces braves gens des bureaux ont tout compris! D'autant que, renseignement pris auprès de la dame aux poubelles, qui se charge aussi de celles des immeubles voisins, rien n'a été affiché dans LEURS allées!

Sur cette annonce affichée par la régie, quelqu'un a ajouté à la main: "Laissez-les vivre", sans signer bien sûr. Je tiens à préciser que nous n'avons absolument rien contre les enfants mais que la cour est si étroite qu'elle ne peut faire un terrain de jeu satisfaisant, qu'en revanche elle est idéale comme caisse de résonance pour n'importe quel type de bruit, et qu'il existe à cinquante mètres à peine un square qui leur est exclusivement réservé ainsi qu'à leurs charmantes mamans ( car, là bas, elles devraient les surveiller!).

Mais ce que je trouve tout aussi dommageable, c'est cette façon nouvelle de communiquer entre voisins du même immeuble: jusque là, nous avons toujours discuté le plus librement du monde, chacun donnant son avis sur tel ou tel problème de la copropriété et tout s'est toujours réglé dans la politesse et sans perdre le sourire. Je ne tiens pas à voir apparaître ces mots anonymes placardés sur le panneau d'affichage, cela n'entraînant à mon avis que suspicion et rancune tenaces.

Si l'on ajoute à ça les odeurs d'égouts qui remontent par les tuyauteries lorsque le temps se met à la pluie ou au vent, nuisance que l'on a déjà signalé à la régie qui n'a rien fait du tout, je regrette vraiment de ne pouvoir assister, empêché par les corrections du concours, à la réunion des copropriétaires qui aura lieu mercredi après-midi. Mais demain ou dimanche, je compte bien coucher par écrit une ou deux réflexions qui me sont venues ces derniers mois et qui sont maintenant suffisamment mûres pour être dégustées sans sucre!