Repos

Et puis ce fut le premier mai. A peine réveillé, j'entends mon interphone sonner: c'est Frédéric (non, pas l'écossais, l'autre) qui passait par là après un nuit sans sommeil (il s'était fait agresser en rentrant de chez Jean-Claude: on en voulait à sa voiture et il n'a été sauvé que par le passage inattendu d'un véhicule de police) et m'apportait gentiment un brin de muguet. Ça valait bien un café et, comme il était encore un peu sous le coup de l'émotion, je téléphonai à S-I pour reporter l'heure de notre rendez-vous sportif.

A dix heures, nous nous retrouvons avec mon jeune collègue face à la fac de lettres pour le tour habituel jusqu'au parc de la Tête d'Or et retour. D'avoir si bien mangé la veille me rend un peu lourd et poussif mais, comme toujours, au bout de quelques kilomètres, le rythme est pris et la machine fonctionne. Beaucoup de monde ce matin, du monde toujours aussi agréable à regarder. Tous ont l'air joyeux, décontracté, heureux du long repos qui s'annonce. Au parc, beaucoup de coureurs, la plupart du dimanche. Je n'aime pas l'affluence, surtout d'occasionnels qui ne connaissent visiblement pas les règles non dites mais bien appliqués du savoir vivre du coureur. Je propose donc à S-I de sortir par le fond, au pied de la salle 3000, et de longer le parc par l'extérieur. Et là, le silence. Pas une voiture (elles y sont interdites), pas un bus, pas un piéton. Seule une femme lisait sur un banc, visiblement aussi heureuse que nous de cet instant rare.

Près du pont, nous croisons une connaissance à moi en vélo, un policier avec qui je me suis une fois entraîné l'an dernier pour le semi marathon. Petit salut de loin. S-I me dit que, décidément, je dois connaître la moitié de Lyon. Il exagère un peu, mais j'aimerais bien, à condition de choisir. Lorsque je l'ai laissé devant la fac, j'étais encore en manque d'efforts physiques et de cette liberté intense que je ressens dans ces moments-là. Alors, au lieu de rentrer chez moi, j'ai enfourché un vélo et, par les bas ports du Rhône, suis remonté jusqu'au parc. Lorsque je suis finalement rentré chez moi, il n'étais pas loin de treize heures.

Repas léger (le réfrigérateur est vide, pas d'œufs, pas de pain), lecture et sieste, avant de me mettre pour un temps que je croyais court à mes préparations scolaires. Or il fallait non seulement que je prépare les cours que je donnerai directement aux élèves mais aussi que je prévois toute une organisation pendant mon absence prochaine. Non, rassurez-vous, je ne vais pas une nouvelle fois m'adonner aux sondages. Je suis convoqué à la correction du concours de recrutement des professeurs des écoles (anciennement appelés instituteurs, ce que, pour ma part, je préfère largement). Voilà ce que c'est que d'avoir fait si bonne impression à mon inspectrice: elle m'avait bien dit qu'elle ne m'oublierait pas et elle a tenu parole. Mais il y a des fidélités dont on se passerait volontiers.

Ainsi me suis-je plongé dans le travail, un premier mai, pour n'en ressortir que quatre heures plus tard et m'apercevoir que le beau soleil avait disparu. Pas de regret donc. Bien au contraire: ce soir, tout est prêt, je ne remettrai pas le nez dans mon cartable. J'espère simplement que demain il fera beau.

J'ai terminé la journée avec une longue promenade pour aérer mes neurones un peu échauffés. Vélo jusqu'au parc, pour la deuxième fois de la journée. Là quelques photos des nénuphars qui commencent à fleurir puis des iris de la salle 3000 et de ses structures métalliques. Un petit détour jusqu'au Transbordeur, juste de l'autre côté du viaduc ferroviaire et retour, tranquillement, jusqu'à chez moi où je réussis à arracher d'un poil la dernière place de vélo disponible à un couple de jeunes cyclistes.
Même pas honte: ils ont bien le temps, eux!