Les premières vacances de Noël entièrement passées à Lyon depuis des décennies. Je peux même dire: les premières vacances tout court. Aurais-je appris, réappris à ne rien faire, à ne rien désirer d'autre que ce qui est, à savoir apprécier cette réalité, même banale?
Hier après-midi, j'ai voulu sortir de chez moi, malgré le froid et le temps gris. Je ne peux rester longtemps enfermé entre quatre murs. Quelque chose que je partageais avec mon père. De ce côté-là, c'est presque une bénédiction que je sois homo. J'ai donc pris l'appareil photo en poche et me suis dirigé vers la station vélov la plus proche. Mais où aller? Les différents quartiers de Lyon, je les ai déjà bien sillonnés. Et puis, avec ce temps! L'idée m'est pourtant vite venue: le marché de gros, le marché-gare derrière Perrache. Il est fermé définitivement depuis deux jours. Modernité oblige, et surtout récupération d'un immense terrain pour y installer immeubles et bureaux de standing, donc excellents placements à la clé, il vient d'être transféré à Corbas, dans la banlieue lyonnaise.
Construit dans les années cinquante/soixante, ce n'est pas un chef-d'œuvre d'architecture , mais il est bien représentatif des bâtiments de ces années béton et peut même cacher une certaine grâce, pour moi en tout cas.
J'ai longé les bas quais du Rhône jusqu'à Gerland, croisant ou doublant de nombreux coureurs emmitouflés jusqu'aux oreilles. J'avais moi-même enfilé gants et serre-tête, tant le froid piquait dans ce couloir naturel. Passé le pont Pasteur, j'ai revu de loin le bout de la presqu'île, où nous nous étions promenés en novembre avec J., puis traversé le Luna Park installé provisoirement rive droite du Rhône dans ce qui ressemble aujourd'hui à un no men's land. Quelques photos plus tard et une naïveté de plus de ma part (une dame d'un certain âge, voire d'un âge certain, qui, seule dans une rue coincée entre deux murs d'anciennes usines, me souriait et à qui j'ai souri, croyant qu'elle cherchait son chemin, avant de comprendre que là n'était pas sa quête), je suis arrivé aux grilles sud du marché gare, dans la rue où, il y a encore peu de temps, stationnaient toutes les camionnettes, nombreuses, des amies de petite vertu de ma trop aimable passante.
Grilles fermées, bien entendues, rue barrée sur la gauche. Il fallut donc longer le site sur la droite, par la rue qui côtoie l'autoroute sur plusieurs centaines de mètres et doit être un des coins les plus laids de Lyon. Mais j'avais vu, dans l'enceinte du marché, une voiture garée devant l'ancienne brasserie de l'un de mes amis. Peut-être était-il là? Peut-être n'avait-il pas encore totalement vidé les lieux? A l'entrée côté nord, j'expliquai au vigile que je voulais faire quelques photos du site avant sa démolition. Il me répondit que, normalement, c'était interdit mais qu'après tout, si je n'en avais pas pour longtemps... Il semblait même heureux que quelqu'un s'intéresse à ces bâtiments que la plupart aurait bien vite oubliés. Lorsque je lui parlai de mon ami de la brasserie, il me dit qu'il y avait bien quelqu'un là-bas. Je reparcourus donc le chemin inverse, cette fois-ci à l'intérieur du site. Deux jeunes gens m'interpellèrent un peu plus loin: je crus qu'il s'agissait de gardiens plus coriaces que le précédent, mais non. Ils avaient travaillé là, l'un, le plus jeune, y avait fait son apprentissage et ne trouvait pas de mots assez fort pour crier sa rage de voir tout ça abandonné définitivement.
Le ciel était tellement gris qu'il faisait déjà presque nuit. En courant, je franchis les derniers mètres qui me séparaient de la brasserie.
(A suivre).
dimanche 4 janvier 2009
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4 commentaires:
Je me demande vraiment ce que va devenir ce quartier. Serait-ce aussi prometteur qu'on nous le laisse entendre ?
PS : c'est quoi Luna Park exactement ?
Une sorte de parc d'attraction, ou est-ce comme la vogue en plus petit, plus grand ?
Pourquoi de "petite" vertu ? Je n'ai jamais trop compris.
Après Nicolas et Olivier, je prends mon ticket, comme au supermarché, pour poser ma question :
Quel est le rapport entre le fait de ne pouvoir rester entre 4 murs et celui d'être homo ?
Que de questions! Bon, procédons par ordre:
- Nicolas, Luna Park, ça tient à la fois de la vogue, en plus concentré, et du parc d'attraction, pour certains manèges, mais en moins ambitieux. Ceci dit, je ne suis vraiment pas un spécialiste.
- Olivier, encore un domaine où je ne suis pas vraiment un spécialiste. Petite vertu car elle doit être difficile à trouver au milieu des vices que la morale traditionnelle réprouve. Ou alors, en étant optimiste, cela veut dire qu'au fond, tout au fond, la femme la plus dépravée garde tout de même une trace de vertu...
- Lancelot, là je suis davantage dans mon élément. Il n'y a pas de rapport entre le fait de ne pouvoir rester enfermé et celui d'être homo. J'explique: je ne supporte pas d'être enfermé longtemps dans un appartement. Il me faut sortir, marcher, respirer au moins une fois par jour. Et je suis heureux d'être homo car ma sexualité m'a toujours donné et me donne encore des objectifs à mes sorties: la drague à l'extérieur, mine de rien, est une activité excellente pour la santé, car on fait du sport sans s'en rendre compte. Maintenant, la photographie me permet aussi de rester longtemps dehors en sachant quoi y faire.
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