vendredi 2 janvier 2009

Bruits.

Hier soir, pas un bruit. Nuit la plus calme de l'année sans doute. Récupération du sommeil. On se sent seul quand on ne dort pas. Silence sur les blogs. Ce matin, ciel gris, gris toute la journée. Premier jour normal de l'année, les voisins reviennent, les boîtes aux lettre ont du courrier, les pas reprennent au-dessus de la tête. Je ne suis pas sorti. Relevé ma boîte seulement ce soir, en partant chez ma mère. J'ai travaillé. J'ai avancé, bien.

Par deux fois, cette semaine, entendu parlé à la télévision et à la radio d'un livre de Denis Podalydès, Voix Off. Ca m'excite. A la radio l'autre jour, il expliquait chez Kathleen Evin qu'il n'avait pas connu ses grands-pères, qu'il était à la recherche de leurs voix et qu'un jour, en entendant Jean Vilar prononcer l'oraison funèbre de Gérard Philipe, il avait eu comme une illumination, un coup de foudre face à cette voix qu'il se mit immédiatement à aimer, timbre et inflexion. A la radio comme à la télévision, je n'ai pas attendu la fin de l'émission. Je me suis mis à rêver aussi. Je n'ai connu ni mon père ni mes deux grands-pères. Moi qui suis si sensible à la voix humaine, je ne me suis jamais demandé comment étaient les leurs, celle du contremaître dans les mines, celle du menuisier, celle de celui qui n'eut pas le temps d'être grand chose.

Même la voix de Pierre, je ne peux qu'avec peine me la restituer. Je ne l'entends pas, je la réfléchis à partir de mots qu'il employait souvent, d'expressions qu'il aimait particulièrement, d'une façon d'aspirer l'air, de sourire, d'éclater de rire, en cascades avalées, comme retenues par sa pudeur. Mais la voix, je ne l'ai plus. Et si quelqu'un me proposait de m'en remettre un enregistrement, (je sais qu'il en existe), je refuserai. Elle est à l'intérieur maintenant, ce n'est plus la sienne, c'est une des nombreuses miennes qui résonnent en moi.

Je vais acheter ce livre, peut-être pas sur ce qu'il est mais sur l'idée que je m'en fais. Lorsque les femmes thraces eurent tué Orphée, elle dépecèrent son cadavre et en jetèrent les morceaux dans un fleuve qui, depuis, résonne de sa voix et des accents de sa lyre. Mon Potomac tente de retenir parfois ces voix éteintes autour de moi et de les faire entendre, un peu encore. Et je veux aussi le faire résonner des cris et des éclats de rire nouveaux.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

C'est curieux, quand j'ai été fou amoureux, ce qui m'a manqué c'est de ne plus voir le visage de l'être aimé, pas la voix...Mais ta relation était plus longue.

Anonyme a dit…

Au delà de l'être, il est différente manifestation de la personne auxquelles on prête attention, émanation physique et gestuelle. Ce qui me manque, moi, c'est son regard pétillant, dessiné dans ses yeux en amandes. Je n'ai jamais vu ça depuis.

Anonyme a dit…

Grosse angoisse en lisant ta note : je me suis demandé l'impression que j'aurais si je ne parvenais plus à faire résonner la voix de TiNours dans mon cerveau, au cas où. Et je me suis entraîné à y réveiller son timbre, ses inflexions. En ce moment, j'y parviens très bien, même quand il n'est pas là. Mais...
J'ai refermé tout de suite la boîte de Pandore.

Trop dur.

Calyste a dit…

J'avais quelques phrases de Pierre sur le répondeur du téléphone. Un jour, une panne de courant les a effacées. J'en suis presque heureux: elles m'auraient hanté. Ainsi n'aurais-je pas à le faire moi-même, ce dont je me sentirais probablement incapable.