lundi 26 janvier 2009

Un ami (1)

Je viens d'avoir Michel au téléphone. Michel, c'est l'ancien ami d'Amédé, aujourd'hui à Paris. Il avait joint Claude, l'ancien ami, lui aussi, d'Avignon aujourd'hui dans la Drôme. Compliqué? Non, je trouve même magnifique, cette valse des téléphones entre anciens amis, tous proches, tous aimés un jour par Amédé, tous autour de lui, de près, de loin, aujourd'hui.

Amédé est sans doute en train de mourir. Pour l'instant, il est à Aix mais demain il sera remonté à Avignon. Claude, qui l'a vu, a dit sa faiblesse, son visage marbré sous le masque à oxygène, sa maigreur et bien sûr quelques délires dus à la morphine. Des images qui sont encore bien présentes en moi. On ne lui infligera sans doute pas une prochaine série de chimiothérapie, ou alors en placebo. A quoi bon le faire souffrir davantage?

Je l'ai dit, c'est mon plus vieil ami. Je l'ai rencontré durant l'hiver, fin 70 ou début 71. Je n'avais pas vingt ans, à peine dix-huit. J'étais mineur, bien sûr, à l'époque. Je me dirigeais vers la gare, après avoir passé la journée à Lyon, pour rentrer à Saint-Étienne quand j'ai croisé cette grande silhouette dans le sombre des quais du Rhône. Il a longuement hésité à m'aborder puis s'y est enfin résolu quand il m'a vu m'éloigner, pressé par le temps: je ne voulais pas manquer le dernier train.

Ensuite, ce dont je me souviens de la soirée, c'est une douzaine d'huîtres dégustées au restaurant, pour me faire plaisir, l'accent chantant du Diois et les grands éclats de rire. Il m'a plu tout de suite: il n'avait pas cet air constipé que se croyait obligé de prendre à l'époque (à l'époque?)tout homo lyonnais qui se respectait. Se faire accepter dans un petit hôtel près de la gare fut plus délicat. Le patron nous regarda franchement de travers quand nous demandâmes une chambre avec un grand lit et s'énerva carrément quand je demandai d'être réveillé à quatre heures pour rentrer par le premier train. Il finit par se calmer et nous prêter un réveil.

Le lendemain (non, vous n'aurez pas droit à la nuit), Amédé, en me quittant me donna son adresse et son téléphone à Avignon et m'assura qu'il aurait du plaisir à me revoir. Je crois très franchement que c'était vrai, et bien partagé. C'était le début d'une amitié qui dure encore aujourd'hui, avec des temps plus calmes, mais jamais en jachère, toujours vivante. Trente huit ans que nous nous connaissons. Pourtant nous avons bien failli, ce soir-là, passer l'un à côté de l'autre sans oser nous parler. J'étais timide, lui aussi. Combien de rencontres avortées bêtement dans une vie? Celle-ci ne le fut pas. J'en raconterai la suite. Un autre soir.

4 commentaires:

Anonyme a dit…

"Les rencontres avortées", c'est vrai que l'on est ensuite plein de regrets. Heureusement que cela ne finit pas toujours ainsi !

Calyste a dit…

Celle-là fut au contraire porteuse de fruits magnifiques.

Anonyme a dit…

Et quand vous vous êtes rencontrés, il avait quel âge, Amédé ?

Calyste a dit…

J'avais dix-huit, dix-neuf ans, il atteignait à peine la quarantaine.